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Restes présumés de Jeanne d'Arc, dans leur bocal.
Le Dr Philippe Charlier, médecin chargé de cours en paléopathologie et histoire de la médecine aux facultés de Lille II et Paris VII et docteur ès-lettres, déclare qu'il ne s'attendait pas à un tel résultat.
Le docteur Philippe Charlier
Pendant plusieurs mois, une équipe d'une vingtaine de chercheurs ont examiné divers objets contenus dans un bocal appartenant à l'archevêché de Tours (Indre-et-Loire) : une côte humaine enveloppée dans une substance noirâtre, comme carbonisée, d'autres ossements, des fragments de boisbois et un lambeau de tissu de 15 cm. Le tout accompagné d'un parchemin portant la mention "Restes présumés trouvés sous le bûcher de Jeanne d'Arc, pucelle d'Orléans
".
Mais l'équipe se rendait bien vite compte qu'il ne s'agissait pas de restes carbonisés, mais embaumés. L'examen microscopique révélait la présence de très nombreux grains de pollenpollen de pin, habituellement présents dans la résine utilisée pour l'embaumement. De plus, le tissu découvert, en linlin, correspond à celui de la Haute Epoque égyptienne, ce qui est d'ailleurs confirmé par la datation au carbone 14datation au carbone 14.
Le Dr Charlier explique très bien comment ces objets ont pu se retrouver dans une trousse d'apothicaireapothicaire découverte en 1867 dans un grenier parisien, aux côtés de fioles contenant diverses substances. La poudre de momie faisait en effet partie de la pharmacopée traditionnelle médiévale et servait à traiter toutes sortes de maux, comme les aigreurs d'estomacestomac où les règles douloureuses. Le remède était courant, et même François 1er en portait une petite réserve dans une bourse autour du cou, à utiliser en cas de maux d'estomac ou de saignements de neznez.
Il est donc probable qu'un jour, un apothicaire ait eu l'idée de faire passer un fragment d'os prélevé sur une momie égyptienne pour une relique de Jeanne d'Arc, peut-être par simple plaisanterie, car on ne trouve aucune trace de transaction autour de cet objet. Cela se serait passé, selon le Dr Charlier, qui est aussi historienhistorien de la médecine, vers le XIXe siècle car l'écriture est caractéristique de cette époque et non du XVe siècle. Cette époque correspond aussi à la "redécouverte" de l'histoire de Jeanne d'Arc, qui avait été oubliée durant des siècles et réhabilitée au niveau de mythe national en 1867. Ainsi, cette prétendue relique aurait pu servir à confirmer la légende.
Autre élément venant confirmer la découverte, l'autre fragment osseux est un fémurfémur de chat. Or, si des chats noirs étaient effectivement sacrifiés lors de la crémation de sorcières ou de personnes convaincues d'hérésie, il était aussi d'usage courant que les Egyptiens soient ensevelis en présence de chats, également momifiés. Peut-être un apothicaire, il y a deux siècles, en manque de momie, a-t-il voulu faire passer ce fragment félinfélin pour de la "mummy"... La fraude a toujours existé.
Enfin, les chercheurs ont aussi eu recours à une méthode particulièrement novatrice pour déterminer l'origine de la côte humaine : des "nez" provenant de l'industrie du parfum. Sylvaine Delacourte, de Guerlain, et Jean-Michel Duriez, de Jean Patou. Ceux-ci ont été conviés séparément, et sans communiquer entre eux, à renifler divers éléments identifiés et conservés dans le laboratoire du Dr Charlier, soit neuf échantillons d'os et de cheveux ayant appartenu à des personnages historiques, ainsi que la côte présumée de Jeanne d'Arc. Les deux testeurs ont formellement identifié des odeurs de vanille et de plâtreplâtre brûlé dans ces échantillons, ce à quoi s'attendait le Dr Charlier.
La vanilline est produite pendant la décomposition d'un corps, précise le Dr Charlier, et cette senteur est courante dans le cas des momies égyptiennes. Or selon les récits historiques, Jeanne d'Arc aurait été brûlée attachée à un pieu, non en bois mais en plâtre afin d'allonger le supplice. Et les deux experts ont nettement senti l'odeur caractéristique de la vanilline sur la côte humaine.