Une équipe internationale regroupant 40 laboratoires vient d'annoncer dans un article publié par la revue Science le séquençage du génome du peuplier Populus trichocarpa (espèce nord-américaine), premier arbre à se prêter à l'exercice. Après l'Arabette des dames Arabidopsis thaliana et le riz Oryza sativa, il s'agit donc de la troisième plante au génome séquencé.

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Le peuplier américain Populus trichocarpa

Le peuplier américain Populus trichocarpa

Le peuplier est un arbre de la famille des Salicacées au génome diploïde contenant 485±10 millions de paires de bases réparties sur 38 chromosomes, soit quatre fois plus qu'Arabidopsis thaliana.

Le choix du peuplier comme modèle d'arbre en 2002 n'est pas anodin : réputé pour sa production très rapide (15 à 20 ans de développement d'une peupleraie suffisent pour récolter 300 m3/ha), le peuplier est une essence recherchée par les industriels, qui apprécient son bois clair, léger et au fil droit. Malgré les 1,6% de la superficie forestière en France consacrés à la populiculture, la production de bois atteignait ainsi les 1,5 millions de m3 en 2003. Un intérêt également partagé par de nombreux laboratoires de recherche (comme l'INRA), qui étudient son amélioration génétique, sa résistance aux pathogènes (exemple de Melampsora larici-populina, agent fongique de la rouille du peuplier) et aux insectes phytophages, sans oublier la physiologie et la génétique (structurale et fonctionnelle) de la formation de son bois et de son enracinement.

Ce projet, réalisé par une équipe internationale de 200 scientifiques, aura donc duré 4 ans, jusqu'à la publication des résultats. Les leçons tirées de cette étude sont nombreuses : plus de 45500 gènes codant pour des protéines ont été identifiés. En outre, le génome du peuplier a subit deux épisodes de duplication de son génome : le premier épisode correspond à la séparation des lignées ancestrales des genre Populus et Arabidopsis, voilà quelques 100 à 120 millions d'années. Le second épisode, plus récent (8 à 13 Ma), a laissé pour témoignage 8000 paires de gènes dupliqués toujours présents. Les gènes sur-représentés chez P. trichocarpa sont impliqués dans la biosynthèse de la paroi lignocellulosique, dans le développement méristématique, dans la résistance aux maladies et dans le transport des métabolites.

La comparaison avec le génome d'A. thaliana a permis d'identifier 13019 paires de gènes orthologues (identifiés par l'outil BLAST). De plus, le peuplier possède plus de gènes codant pour des protéines, avec une moyenne de 1,4 à 1,6 gènes putatifs homologues pour chaque gène comparé chez A. thaliana. Mais la fréquence relative des domaines protéiques reste identique chez les deux espèces végétales. Enfin, sur un plan plus dynamique, les substitutions nucléotidiques, les duplications des gènes en tandem et les épisodes de réarrangement chromosomique s'opèrent plus lentement chez P. trichocarpa.

Ces travaux contribuent à mieux comprendre l'évolution et la génomique des Angiospermes, mais permettent également de dresser un catalogue complet des gènes du peuplier, ainsi que leur synthénie (ordre des gènes dans le génome). Outre une recherche plus affinée des gènes impliqués dans la résistance aux pathogènes ou au stress hydrique, ces données permettront la mise au point de puces à ADN « génome entier », ouvrant de nouvelles voies d'études en transcriptomique notamment, et la mise en évidence de réseaux de gènes impliqués dans l'écophysiologie du peuplier.

Sources :

Dossier Biofutur (2004). Le peuplier à l'ère génomique. Biofutur, vol. 247, pp. 19-58.

Tuksan et al. (2006). The Genome of Black Cottonwood, Populus trichocarpa (Torr. & Gray). Science. 313, 5793.