Les 3 300 réactions chimiques qui animent notre métabolisme sont désormais répertoriées dans une base de données informatisée et accessible aux chercheurs. De quoi simuler « in silico » le fonctionnement d'une cellule malade ou l'effet d'un médicament avant les essais cliniques.

au sommaire


L'équipe de l'UCSD présente Bigg… De gauche à droite, Monica L. Mo, Scott A. Becker, Neema Jamshidi, Ines Thiele et Bernhard Palsson. Crédit : Jacobs School of Engineering / UCSD

L'équipe de l'UCSD présente Bigg… De gauche à droite, Monica L. Mo, Scott A. Becker, Neema Jamshidi, Ines Thiele et Bernhard Palsson. Crédit : Jacobs School of Engineering / UCSD

Ils ont épluché cinquante ans de publications sur le métabolisme de l'être humain et ont répertorié toutes les réactions chimiques connues qui nous font respirer, digérer, bouger ou penser. Chacune de nos cellules les connaît, grâce au code inscrit dans les chromosomes, même si elle n'en utilise qu'une partie. Un neurone, par exemple, n'a pas la même usine chimique qu'un lymphocyte tueur d'antigènes. Etudier l'effet d'une substance, un médicament ou un poison, oblige le scientifique à bien connaître, lui aussi, toutes ces réactions et savoir lesquelles sont à l'œuvre dans le type de cellule qui l'intéresse, sans oublier de tenir compte des différences génétiques entre individus.

Voilà des décennies que la biologie cellulaire et la génétique accumulent des résultats dans ce domaine. Les grandes réactions métaboliques sont bien connues mais le plus souvent isolément et il est bien difficile de reproduire exactement ce qui se passe à l'intérieur d'une cellule, normale ou victime d'une pathologie.

C'est pourtant ce que propose de faire, virtuellement, une équipe de la Jacobs School of Engineering (Université californienne de San Diego, UCSD), dirigée par Bernhard Palsson, avec le BiGG (biochemically, genetically, and genomically structured). Cet outil informatique serait capable de reproduire le métabolisme de n'importe quel type de cellule dans des conditions normales ou non et après le choix des caractéristiques génétiques.

Sans recourir à des essais cliniques, il serait possible d'étudier l'impact d'un médicament, d'un poison ou même d'un régime alimentaire sur telle ou telle famille de cellules, chez des personnes considérées à risques ou non.

Modèle numérique

Le système Bigg vient d'être présenté dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (ou PNAS, une publication américaine). Pour démontrer l'efficacité de leur outil, les chercheurs de l'équipe ont simulé 288 réactions connues, dont la synthèse de la testostérone et celle de l'œstrogène. Dans tous les cas, le modèle numérique a reproduit les mécanismes observés dans une véritable cellule.

Accessible à la communauté scientifique, Bigg devrait donc permettre de véritables simulations in silico, à conduire avant les tests in vitro (en éprouvettes) et in vivo (sur des animaux, des cultures cellulaires ou des volontaires humains).

Cet organisme humain virtuel apparaît dans la droite ligne du projet Génome humain, qui a produit le séquençage intégral des gènes de l'espèce humaine. Dans la même veine, le «métabolome », récemment présenté par une équipe canadienne (Human Metabolome Project), recense les 2 500 métabolites (petites molécules) que l'on trouve dans un organisme humain.