au sommaire
Des archéologues ont fait des découvertes étonnantes et majeures sur le site du rocher de l'Impératrice, près de Plougastel-Daoulas : 45 plaquettesplaquettes de schiste gravées. Datées de 14.000 ans, ce sont les plus anciennes œuvres d'art connues à ce jour en Bretagne. Deux d'entre elles ont fait l'objet d'une publication début mars dans la revue Plos One.
L'une d'elles, la pièce 741 (environ 30 cm de côté), montre un magnifique cheval gravé tout entier sur les deux faces. Les archéologues l'ont nommée « Kezeg brav » (« beau cheval » en breton). Mais celle qui a recueilli le plus l'attention des chercheurs est sans conteste la tablette 317. Découverte deux ans plus tôt, elle représente la tête d'un auroch. Elle est gravée, elle aussi, sur ses deux faces. Sur l'une d'elles, on peut voir nettement des rayons qui auréolent l'animal. Pour les auteurs de ces recherches, qui ont baptisé cette gravure « Buoc'h skedus » (« vachevache brillante » ou « taureau rayonnant ») : « aucun équivalent d'"animal brillant" n'a pu être trouvé dans l'iconographie du paléolithique européen ».
Les deux faces de la pierre dite du « taureau rayonnant ». Pourquoi l'artiste a-t-il ainsi auréolé la tête de l'auroch ? © N. Naudinot, C. Bourdier
Des gravures déjà azilizennes mais encore un peu magdaléniennes
« Les rayons ont été gravés après la tête de l'animal, et celui qui les a dessinés est repassé sur les cornes pour que l'auroch apparaisse bien au premier plan », a précisé au Monde Nicolas Naudinot, de l'université de Nice-Sophia-Antipolis, CNRS, et directeur de cette campagne de fouille commencée en 2013. Au vu des fragments retrouvés où figurent aussi des rayons, ce type de représentation n'est vraisemblablement pas unique. Ils espèrent bien pouvoir en découvrir beaucoup d'autres.
Ces gravures posent beaucoup d'énigmes aux chercheurs : s'agit-il d'œuvres avec des fonctions sacrées ? Avaient-elles un lien avec la chasse, un rituel chamanique ? Étaient-elles emportées ? Comment étaient disposées ces pièces ?, etc. En outre, ce ou ces artistes, bien que de culture azilienne, n'en respectent pas tous les canons. La caractéristique principale du stylestyle azilien est en effet l'abandon d'un art figuratif naturaliste au profit de formes géométriques, le plus souvent sur des galets, en rupture avec le style magdalénien. Ce qui invite à considérer la transition entre les deux cultures comme étant plus graduelle que ce que supposaient les spécialistes. Dès les premiers regards, il est vrai, on pense aux peintures des grottes de Lascaux et d'Altamira.
Les deux faces de la tablette du cheval. © N. Naudinot, C. Bourdier
Autrefois, une steppe à 50 km de la mer
Cette découverte n'aurait pas été possible si une tempêtetempête n'avait pas déraciné un pin maritimepin maritime au pied de ce rocher de l'Impératrice, voici 30 ans. Les pointes de flèches en silex et autres grattoirs avaient alors attiré l'attention d'un membre des Amis du patrimoine. Mais ce n'est qu'en 2013 que les archéologues obtinrent de fouiller ce site d'accès difficile. Dès le premier été, plusieurs pièces, dont le « taureau rayonnant », furent exhumées. Mais, par crainte des pilleurs, sa découverte et les autres ne furent dévoilées que quatre ans plus tard. En attendant de nouvelles fouilles prévues l'été prochain, le site est protégé par un grillage de trois mètres de haut.
Aujourd'hui situé à quelques encablures de la mer, en face de Brest, et à l'embouchure de la rivière l'Élorn, ce site se trouvait, voici 14.000 ans, en plein cœur d'une steppesteppe. Y galopaient chevaux sauvages, aurochs et bien d'autres animaux habitués au climatclimat rigoureux qui régnait en cette fin de l'âge glaciaire. Le niveau de la mer était 90 m plus bas... Pour la rejoindre, il fallait alors marcher 50 km vers l'ouest, jusquà l'actuelle île de Molène.