Des empreintes de mains, des esquisses d'aurochs et des scènes de chasse sont des ornementations pariétales qu'il est facile d'attribuer à l'Homme préhistorique. Lorsque les décors sont plus abstraits, il devient en revanche beaucoup plus compliqué de différencier l'œuvre de la nature de celle de l'Homme…


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    La grotte espagnole d'Ardales est située en Andalousie. Elle présente plusieurs coulées stalagmitiques dont l'une est partiellement colorée en rouge. Cette coloration daterait de presque 65.000 ans (les plus anciennes peintures de la grotte de Lascaux datent de -21.000 ans et celles de la grotte de Chauvet Pont-d'Arc de -37.000 ans) et son origine, naturelle ou anthropique était jusqu'alors débattue.

    Une étude parue dans le journal PNAS a permis d'analyser la composition des résidus colorés et en a conclu qu'ils étaient différents de ceux des dépôts d'oxydes de ferfer qui colorent naturellement la grotte d'Ardales. Les pigments présents sur la coulée stalagmitique sont en revanche à base d'ocre, ce qui conduit les auteurs de l'étude à penser qu'ils ont été intentionnellement amenés et appliqués dans la grotte par l'Homme.

    Le rhinocéros à grande corne est l'une des représentations les plus connues de la grotte Chauvet. © Inocybe, DP
    Le rhinocéros à grande corne est l'une des représentations les plus connues de la grotte Chauvet. © Inocybe, DP

    Une peinture attribuée à Néandertal

    De plus, et puisqu'Homo sapiens n'avait pas encore atteint l'Europe il y a 65.000 ans, les auteurs attribuent cette peinture à Néandertal. D'après la datation de plusieurs échantillons, ils expliquent enfin que la coloration a été appliquée à de nombreuses reprises au cours du temps, ce qui suggère que des générations de Néandertaliens se sont succédé dans ce lieu qu'elles ont marqué symboliquement

    Une coulée stalagmitique de la grotte d'Ardales est colorée en rouge. © Joao Zilhao, Icrea
    Une coulée stalagmitique de la grotte d'Ardales est colorée en rouge. © Joao Zilhao, Icrea

    L'Homme de Néandertal a-t-il peint les premières fresques rupestres du monde ?

    La paléoanthropologie vit-elle une révolution ? Découvertes en Espagne, des peintures rupestres remonteraient à -64.000 ans. Or, seul l'Homme de NéandertalNéandertal était présent dans cette région à cette époque. Ce qui montrerait qu'il était tout aussi capable qu'Homo sapiens d'une pensée symbolique. Tout est au conditionnel car les datations, qui viennent d'être réalisées, restent à confirmer.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 04 mars 2018

    L'Homme de Néandertal a été découvert en Europe, plus précisément en Allemagne, en 1856. D'abord considéré comme une sorte de précurseur primitif de l'Homme moderne, au mieux comme une sous-espèce d'Homo sapiens nommée Homo sapiens neanderthalensis, son statut a bien changé depuis quelques dizaines d'années. Elle est aujourd'hui considérée comme une espèce à part entière (Homo neanderthalensis), même si les progrès de la paléogénétique ont montré qu'il y a eu des hybridations avec H. sapiens et qu'une partie du patrimoine génétiquegénétique de Néandertal survit chez les Européens actuels.

    Les causes de sa disparition, il y a environ 30.000 à 40.000 ans, restent encore incomprises. Une infériorité cognitive a été supposée, impactant les liens sociaux et la technologie. Mais plus les connaissances sur les Néandertaliens progressent, plus ces différences s'amenuisent. Jusqu'à aujourd'hui, il est en général considéré que l'art dans sa dimension symbolique est l'apanage de l'Homme moderne, tout comme la préoccupation pour les défunts.

    Plusieurs découvertes remettent pourtant en cause cette vision. En Espagne, sur des sites incontestablement attribuables à des Néandertaliens, des coquillages utilisés comme parure ou récipient à maquillage remontent à au moins 50.000 ans. Les plus anciennes parures retrouvées étaient attribuées à Homo sapiens et provenaient d'Afrique, plus précisément de la grotte des Pigeons au Maroc (-82.000 ans) et celle de Blombos (-75.000 ans) en Afrique du sud.

    Autre exemple, la fameuse découverte de la Chapelle-aux-Saints en 1908. De nouvelles fouilles, voilà quelques années, ont démontré que des Néandertaliens avaient bel et bien creusé une tombe il y a 60.000 ans environ pour y déposer un de leur défunt.


    Une présentation des peintures rupestres néandertaliennes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Kate Rogers

    Des peintures néanderlaliennes du paléolithique moyen ?

    La frontière entre Homo neanderthalensis et Homo sapiens est peut-être encore plus mince qu'on ne l'imaginait si les datations avancées par une équipe de chercheurs menée par Dirk Hoffmann de l'institut Max-PlanckPlanck d'anthropologie évolutionniste (Leipzig, Allemagne) publiées dans Science Advances sont confirmées par des études ultérieures. En effet, des peintures rupestres trouvées en Espagne dans les grottes de La Pasiega (région de Cantabrie), Maltravieso (Estrémadure) et Ardales (Andalousie) seraient âgées d'au moins 64.000 ans, d'après une méthode de datation de type uraniumuranium-thoriumthorium (U-Th) utilisée pour dater des concrétions carbonatées en calcitecalcite recouvrant ces peintures.

    La datation peut être questionnée, rien ne prouverait vraiment que l'évolution des rapports des isotopesisotopes par désintégration radioactive s'est faite dans un système clos, de sorte que certaines des abondances pourraient avoir été faussées par des infiltrations. Mais si elle est exacte, elle prouve que ces peintures ont été réalisées environ 20.000 ans au moins avant l'arrivée d'Homo sapiens en Europe. Elles seraient donc sans discussion possible l'œuvre de Néandertaliens. Comme le montre la vidéo ci-dessus, les trois grottes contiennent des peintures principalement en rouge, parfois en noir, montrant des groupes d'animaux, des points et autres signes géométriques ainsi que des pochoirspochoirs à la main.

    Toutes ces découvertes semblent montrer de manière convaincante que les Néandertaliens n'avaient probablement rien à nous envier au point de vue cognitif et que l'apparition des traits propres à l'Humanité doit être plus ancienne qu'on ne le pensait, remontant à des ancêtres communsancêtres communs d'Homo neanderthalensis et Homo sapiens.

    Grotte Chauvet : l'art pariétal dans toute sa splendeur

    Rhinocéros à grande corne de la grotte ChauvetŒuvre pariétale représentant des chevaux, des aurochs et des rhinocérosReprésentation paléolithique de chevaux et d'un couple de félinsLe panneau des chevaux de la grotte ChauvetDessin pariétal de cerf mégacérosOssements d'ours dans la Salle Hillaire de la grotte ChauvetGravure de cheval dans la Salle Hillaire de la grotte ChauvetPeintures rouges de la grotte ChauvetRéplique de la grotte Chauvet en préparationAlain Dalis, en charge de la reproduction de la grotte ChauvetPréparation de la réplique de la grotte ChauvetLe préhistorien Gilles Tosello étudie la réplique de la grotte ChauvetPréparation du panneau pariétal des chevauxPanneau de la Salle du Fond de la grotte Chauvet
    Rhinocéros à grande corne de la grotte Chauvet

    Rhinocéros à grande corne, dessiné sur un des mursmurs de la grotte Chauvet, Ardèche, France.

    © Inocybe - DP