En 2015, la sonde New Horizons a révélé sur Pluton, des paysages de sommets enneigés comme jamais observés ailleurs dans le Système solaire. Des paysages qui ressemblent à s’y méprendre à ceux que l’on connait bien sur la Terre. Pour comprendre leur origine, des chercheurs ont mené l’enquête. François Forget, astrophysicien au Laboratoire de météorologie dynamique de l’Institut Pierre Simon Laplace (CNRS, France), nous en présente aujourd’hui les conclusions.
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Lorsque New Horizons a survolé PlutonPluton en juillet 2015, la sonde de la Nasa a révélé une planète incroyablement riche. « Un monde de paysages formidables avec près de l'équateuréquateur, des chaînes de montagnes très sombres à la base -- parce que recouvertes de suiessuies -- et dont les sommets en revanche, sont habillés de neige, de la neige de méthane », nous expose François Forget, astrophysicien au Laboratoire de météorologie dynamique de l’Institut Pierre Simon Laplace (CNRS, France), en introduction.
Les montagnes de Pluton se présentent un peu comme celles que l'on connait sur Terre, mesurant quelques milliers de mètres de hauteur. Ainsi les chercheurs ont d'abord supposé qu'à plus de 4,5 milliards de kilomètres du Soleil, les mécanismes responsables de ces chutes de neige étaient les mêmes que sur notre planète. Et François Forget de nous rappeler que, « sur Terre, la neige tombe en altitude parce que les températures baissent. Avec le froid, la vapeur d'eau se condense et se dépose sous forme solide sur les sommets montagneux. »
« Mais sur Pluton la situation est radicalement différente. Lorsqu'on monte en altitude, la température... augmente rapidement et de manière significative. » Pourquoi ? Parce que si l'atmosphère de Pluton est essentiellement composée d'azote, elle contient aussi du méthane (CH4). Ce méthane a tendance à absorber le rayonnement solairerayonnement solaire. « C'est ainsi que la température de l'atmosphèreatmosphère de Pluton peut passer de quelque chose comme -230 °C en surface à presque 100 °C de plus à quelques kilomètres d'altitude. C'est un peu à l'image de ce qui se passe dans notre stratosphèrestratosphère où l'ozone absorbe le rayonnement solaire », souligne l'astrophysicienastrophysicien.
© Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute et Thomas Pesquet/ESA
Une atmosphère à la dynamique particulière
Or la température de condensationcondensation du méthane est justement de l'ordre de -230 °C. Comment expliquer alors cette neige de méthane observée ce 14 juillet 2015 par New HorizonsNew Horizons sur les montagnes de Pluton ? « Nous avons appliqué des modèles 3D qui ressemblent beaucoup à ceux que l'on utilise sur Terre, pour comprendre le changement climatiquechangement climatique. Ces modèles montrent que si de la neige de méthane peut se former en altitude, c'est parce que la dynamique particulière et plutôt subtile de l'atmosphère de Pluton -- au passage un indice confortant sur la robustesse de nos modèles -- mène à un enrichissement en méthane gazeux en altitude. »
Or la surface des montagnes reste toujours froide. Le résultat d'une atmosphère très fine, qui -- contrairement à ce qui se passe sur Terre -- influe peu sur la température de surface. Et lorsque ces montagnes s'élèvent dans l'atmosphère, elles pénètrent les couches enrichies en méthane, provoquant sa condensation en neige. « De quoi produire un paysage très similaire à celui que l'on observe sur Terre, mais pour des raisons très différentes. »
“Améliorer les modèles qui aident à comprendre le changement climatique”
C'est la première fois qu'un tel phénomène est observé dans le Système solaireSystème solaire. Comprendre comment il se produit pourrait aider à expliquer la présence d'épais glaciersglaciers de méthane, observés tout à fait ailleurs sur Pluton, et hérissés de spectaculaires crêtes escarpées. Cela pourrait aussi éclairer quelques phénomènes très terrestres. « L'essentiel de notre activité consiste à comprendre le changement climatique à partir de modèles du système Terre. Ces modèles, nous les testons sur d'autres planètes. Cela nous permet aussi de les améliorer grâce à tous ces phénomènes qui restent subtils sur notre planète, mais apparaissent plus marqués sur d'autres », conclut François Forget.