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De Newton à Poincaré en passant par Lagrange et Laplace, astronomesastronomes et mathématiciensmathématiciens se sont posé la question de la stabilité du Système solaire et lui ont donné plusieurs réponses. Le sujet a été renouvelé au cours du XXe siècle par le développement des ordinateursordinateurs d'Alan TuringAlan Turing et Von Neumann qui ont permis de faire des simulations de plus en plus précises de la formation et de l'évolution du Système solaire.
L’astronome d’origine hollandaise Gerard Kuiper est considéré par beaucoup comme l’un des pères de la planétologie moderne. Il avait paradoxalement prédit que la ceinture, qui porte son nom aujourd’hui et qui s’est formée au début de l’histoire du Système solaire, ne devait plus exister. © DP
Les migrations planétaires, des clés pour comprendre le Système solaire
Les progrès des observations aidant ainsi que la découverte des Jupiter chaudesJupiter chaudes, l'idée a commencé à s'imposer au début du XXIe siècle que les orbites des corps célestes dans les systèmes planétaires sont en réalité particulièrement dynamiques, au moins au début de leurs histoires, et que les migrations planétaires peuvent y être assez spectaculaires. Afin d'expliquer plusieurs caractéristiques de notre Système solaire, les mécaniciens célestes en sont venus à proposer deux scénarios faisant la part belle à ces migrations : le modèle de Nice et le Grand Tack. Ce deuxième scénario conduit même à penser que notre Soleil aurait avalé plusieurs superterres peu de temps après sa naissance.
Il y a quelques années, le célèbre David Nesvorny du Southwest Research Institute (SwRI), dans le Colorado, est arrivé à la conclusion que notre Système solaire n'avait pas quatre mais cinq planètes géantesplanètes géantes lorsqu'il s'est formé il y a plus de 4 milliards d'années. Sans cette cinquième planète, semblable à NeptuneNeptune et éjectée par les perturbations gravitationnelles, VénusVénus et Mars auraient été détruites. Il pousse l'hypothèse de l'existence de cette cousine de Neptune un cran plus loin dans un article déposé sur arxiv en montrant qu'elle permet d'expliquer l'une des énigmes de la structure du Système solaire, l'existence du « noyau » (kernelkernel en anglais) de la ceinture de Kuiperceinture de Kuiper.
Rappelons que la ceinture de Kuiper est un équivalent de la ceinture d’astéroïdes, entre Mars et Jupiter, mais située au-delà de l'orbite de Neptune, entre 30 et 55 unités astronomiquesunités astronomiques. Plus étendue, 20 fois plus large et de 20 à 200 fois plus massive, elle est principalement composée de petits corps glacés constitués majoritairement de composés volatils gelés comme le méthane, l'ammoniacammoniac ou l'eau. Les plus connus sont Makémaké et HauméaHauméa. Paradoxalement, l'existence de cette ceinture, bien que nommée en l'honneur de l'astronome Gerard Kuiper (1905-1973), le directeur de thèse de Carl Sagan, a été prédite par un autre chercheur, l'Irlandais Kenneth Essex Edgeworth.
Une vue de la ceinture de Kuiper avec quelques-unes de ses planètes naines ainsi que la trajectoire de la sonde New Horizons. © Nasa, Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Southwest Research Institute, Alex Parker
Une migration planétaire de Neptune il y a 4 milliards d’années
Nesvorny n'est pas le premier à invoquer une migration planétaire pour expliquer des caractéristiques de la ceinture d'Edgeworth-Kuiper. Harold Levison (SwRI) et Alessandro Morbidelli (OCA), entre autres, avaient déjà fait intervenir une migration de Neptune. Mais Nesvorny l'explique maintenant en faisant intervenir une cinquième géante qui aurait depuis été éjectée du Système solaire ou, pour le moins, placée sur une orbite très, très éloignée du Soleil.
L'événement se serait produit il y a environ 4 milliards d'années. Les simulations numériquessimulations numériques que le chercheur a menées montrent qu'une migration vers l'extérieur de seulement 7,5 millions de kilomètres de l'orbite de Neptune, dont le rayon était d'environ 4,2 milliards de kilomètres, aurait poussé dans l'actuelle ceinture de Kuiper, le groupe d'environ mille petits corps célestes groupés qui constituent son noyau.
On avait autrefois tenté d'expliquer l'existence de cette structure en l'interprétant comme une famille collisionnelle, un ensemble de débris issus de la fragmentation d'un corps parent, et qui ont des orbites similaires autour du Soleil. Mais cette hypothèse n'a pas résisté à une analyse plus poussée. Celle de Nesvorny semble nettement plus robuste car elle s'insère naturellement comme une pièce de puzzle manquante dans les scénarios expliquant simultanément différentes caractéristiques du Système solaire, en faisant intervenir des migrations planétaires des géantes gazeusesgéantes gazeuses.