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Sur ce schéma montrant un espace de paramètres utilisé pour décrire les observations possibles concernant les amas de galaxies, le paramètre gamma est lié à la théorie de la gravitation employée pour décrire la croissance de l'amas et la paramètre w est lié au contenu de l'Univers. La courbe horizontale est la prédiction de la relativité générale et la courbe verticale celle du modèle avec énergie noire. Les observations, aux erreurs près, indiquent que les valeurs les plus probables des deux paramètres sont dans la zone orange foncée. Elles sont parfaitement compatibles avec le modèle cosmologique standard, le modèle lambdaCDM. Crédit : Rapetti, Allen, Mantz, Ebeling
La première preuve expérimentale de la relativité générale date de plus de 90 ans, même si les résultats obtenus alors ne satisferaient probablement plus aux critères de rigueur actuels. Les physiciensphysiciens cherchent toujours aujourd'hui à tester la théorie d'EinsteinEinstein et, là encore, c'est le monde de l'astronomie qui leur en donne de multiples occasions.
Cela n'est guère étonnant car, comme le disait le prix Nobel de physique S. Chandrasekhar : « La théorie de la relativité générale est une théorie de la gravitation et tout comme la théorie newtonienne de la gravitation qu'elle affine et étend, son habitat naturel est l'astronomie ».
En fait, c'est plus précisément dans les domaines de l'astrophysique et de la cosmologie que viennent les tests les plus récents. La raison en est que c'est précisément à ce niveau qu'ont émergé clairement depuis plus d'une dizaine d'années des preuves montrant que l'UniversUnivers observable était en train de voir son expansion accélérer. Pour expliquer ce phénomène, on fait appel à une énergie noireénergie noire dont la nature est inconnue. Sous sa forme la plus conservatrice, elle se présente sous la forme d'un terme constant que l'on ajoute aux équationséquations d'Einstein comme il avait d'ailleurs été le premier à le faire en 1917. C'est la fameuse constante cosmologiqueconstante cosmologique lambda.
Certains théoriciens pensent qu'il ne faut pas ajouter une telle constante qui évoque les épicycles, introduits par PtoléméePtolémée pour expliquer le mouvementmouvement des planètes. Selon eux, il faut modifier la théorie d'Einstein de sorte qu'il apparaisse des déviations à loi de la gravitation à grande échelle, c'est-à-dire au moins au niveau des amas de galaxiesamas de galaxies. Des tests ont déjà été réalisés pour mettre à l'épreuve certaines de ces théories, en particulier la théorie TeVeSTeVeS de Bekestein et des variantes appelées théories f(R).
R désigne le scalaire de courbure de l'espace-tempsespace-temps dans la théorie relativiste de la gravitation. A lui seul, il permet de dériver la théorie d’Einstein en utilisant une technique mathématique puissante, le calcul variationnelcalcul variationnel. Or, de même qu'un polynômepolynôme p(X) peut être approximé par une formule en a+bX lorsque X est petit, on pouvait penser que le terme en R dont dérivaient les équations d'Einstein n'était que l'approximation d'une fonction f(R) plus compliquée.
Lorsqu'on les applique au problème de l'origine des galaxies et des amas de galaxies, les théories f(R) donnent des prédictions différentes de celles de la théorie d'Einstein avec une constante cosmologique. On pense en effet que galaxies et amas de galaxies proviennent de l'effondrementeffondrement de zones de surdensité de matièrematière dans le cosmoscosmos. La vitessevitesse avec laquelle ces surdensités de matière croissent dans le temps pour donner les amas de galaxies dépend d'une façon bien déterminée de la théorie de la gravitation employée, ainsi que de la présence ou non d'énergie noire.
Cliquer pour agrandir. A gauche, Abell 85, l'un des amas étudiés par Chandra. L'émission en rayon X du gaz inter-amas est colorée en violet. Elle est surimposée à une image de l'amas prise dans la bande optique. A droite, une simulation de la croissance des amas de galaxies dans l'Univers au cours du temps. Il y a compétition entre l'expansion de l'Univers et l'attraction de la matière entre les amas. La présence ou non d'une énergie noire accélérant l'expansion peut donc s'y lire. Crédit : rayons X (Nasa / CXC / SAO / A.Vikhlinin et al.); Optical (SDSS); Illustration (MPE/ V. Springel)
Le nombre d'amas donne raison à Einstein
Remarquablement, Fabian Schmidt du California Institute of Technology a pu montrer avec ses collègues qu'en combinant les informations concernant 49 amas de galaxies étudiés en rayons Xrayons X par le satellite ChandraChandra avec d'autres informations issues de l'étude du rayonnement fossile et des supernovaesupernovae, il était possible de départager la théorie d'Einstein et les théories f(R) à des échelles supérieures à 130 millions d'années-lumièreannées-lumière.
En améliorant la précision du test d'un facteur 100 par rapport aux précédents, aucun écart significatif au modèle lambda CDM, c'est-à-dire au modèle standard de la cosmologiemodèle standard de la cosmologie basé sur les équations d'Einstein, de la matière noirematière noire (Cold Dark Matter) et de l'énergie noire n'a été trouvé.
Parallèlement, un autre groupe de chercheurs ayant lui aussi déposé récemment un article sur arXivarXiv est parvenu à des conclusions similaires. David Rapetti et ses collègues ont ainsi montré que le nombre d'amas de galaxies massifs qui se sont formés depuis 5 milliards d'années, suite à une compétition entre l'expansion de l'Univers et la force d'attraction de la gravitégravité, était en plein accord avec les prédictions du modèle standard.
Les chercheurs ont eux aussi employé pour leurs travaux les données concernant les massesmasses de 71 amas de galaxies inférées à partir des observations en rayons X de Chandra. Ils ont aussi utilisé les données jadis tirées de l'observation de 238 autres amas par le satellite Rosat. Là encore, des informations issues de l'étude du rayonnement fossilerayonnement fossile et des supernovae se sont révélées précieuses.
Au final, pour les deux équipes, leurs travaux constituent les contraintes les plus fortes jamais obtenues à des échelles supérieures à celles des amas de galaxies en ce qui concernent les alternatives à la théorie d'Einstein. Celle-ci en sort très renforcée, alors que les chances pour les variantes f(R) de décrire notre monde observable en sortent très réduites.
La technique consistant à étudier la croissance des amas de galaxies en rapport avec l'énergie noire et d'autres alternatives à la relativité générale semble prometteuse et, toujours d'après les astrophysiciensastrophysiciens, elle devrait permettre de poser des bornes aux modèles issues des théories de Kaluza-Klein et de la théorie des supercordesthéorie des supercordes.