au sommaire
Le découvreur de la supraconductivité, le prix Nobel de physique Heike Kamerlingh Onnes. Depuis plus de 100 ans, les scientifiques cherchent le moyen de produire des supraconducteurs à température ambiante. © Museum Boerhaave
La supraconductivité a été découverte, il y a plus de 100 ans, le 8 avril 1911. Elle a fasciné bien des physiciensphysiciens, comme Vitaly Ginzburg et Pierre-Gilles de Gennes, et a donné lieu à l'attribution de plusieurs prix Nobel. Si l'on a fini par comprendre ce qui rendait supraconducteurs des matériaux comme le mercure, le plomb et le nitrure de niobium, qui constituent ce qu'on appelle des supraconducteurs conventionnels, il n'en est pas de même pour d'autres matériaux exotiquesexotiques. Ainsi, on ne comprend toujours pas vraiment pourquoi les cupratescuprates peuvent rester supraconducteurs à des températures dépassant celle de l'azoteazote liquideliquide, qui est de 77 kelvinskelvins (K). La théorie BCS, expliquant l'apparition de la supraconductivitésupraconductivité par la formation de paires de Cooper grâce aux phononsphonons, ne semble pas fonctionner dans ces cas-là.
La quête de la supraconductivité à haute température
Si l'on connaissait le secret des supraconducteurs à haute température critiquetempérature critique que sont les cuprates et d'autres matériaux découverts depuis plus de 25 ans, on pourrait peut-être fabriquer des supraconducteurs à température ambiante (on soupçonne que c'est possible avec du graphite). Cela déboucherait sur une révolution technologique majeure. On pourrait par exemple construire un train hypersonique pouvant relier Kiev et Pékin en une heure.
Soumis à une température proche de -250 °C, les matériaux supraconducteurs acquièrent des propriétés magnétiques. Explications avec Julien Bobroff, chercheur au département de physique des solides de l'université Paris XI. © universcienceTV, YouTube
Comme le chercheur Julien Bobroff nous l'explique dans la vidéo ci-dessus, les pnictures, de nouveaux supraconducteurs à haute température critique, ont été découverts en 2008. Ils ressemblent aux cuprates, car ils sont constitués de feuillets contenant des atomesatomes d'oxygèneoxygène et de cuivrecuivre. Ces pnictures contiennent, eux, des atomes de ferfer et d'arsenicarsenic. De façon surprenante, ces matériaux peuvent être à la fois magnétiques et supraconducteurs, deux propriétés à priori antagonistes. On pense qu'ils pourraient contenir des clés pour concevoir et fabriquer ces mythiques supraconducteurs à température ambiante. En effet, on a émis l'hypothèse que des interactions magnétiques, et non plus l'existence de phonons, joueraient un rôle central dans la formation des paires de Cooper responsables de l'état supraconducteur d'un matériaumatériau.
Des ondes de spin magnétiques
Dans un matériau ferromagnétiqueferromagnétique, il existe une distribution de moments cinétiquesmoments cinétiques liés à ses atomes et que l'on peut représenter sous la forme d'une série de flèches qui peuvent s'aligner parallèlement à un champ magnétiquechamp magnétique extérieur. Il peut s'y produire des ondes de spin, c'est-à-dire des perturbations qui font basculer l'orientation de ces flèches. Tout comme les phonons acoustiques sont des quanta des ondes sonoresondes sonores se propageant dans un cristal, des perturbations de ce genre doivent posséder un aspect corpusculaire selon les lois de la mécanique quantiquemécanique quantique. Comme les ondes de spinspin dans un matériau magnétique sont liées à son aimantationaimantation, on ne sera pas surpris du nom que l'on donne aux quasi-particules associées à ces ondes : des magnons.
Le principe de l'expérience pour détecter des magnons dans un pnicture. Un faisceau incident de photons X (ligne ondulée bleue) est réfléchi par un réseau d'atomes possédant un spin (flèches noires). Si ce faisceau peut engendrer des ondes de spin sous forme de basculement de ces spins, les photons diffusés (ligne rouge) ont subi des pertes d'énergies caractéristiques de la présence de ces ondes. © Institut Paul Scherrer, Markus Fischer
On soupçonne qu'il y a un lien étroit entre l'apparition de la supraconductivité dans les pnictures et la possibilité qu'il puisse y exister des ondes de spins. Une première étape pour en avoir le cœur net est de démontrer que ces ondes peuvent effectivement se propager sans problème dans ces matériaux. C'est ce que pense avoir réussi à faire une équipe internationale de physiciens du solidesolide qui vient de publier un article à ce sujet dans Nature Communications, et qui est disponible en accès libre sur arxiv. Les chercheurs ont utilisé pour cela les rayons Xrayons X générés par le synchrotron bien connu de l'Institut Paul Scherrer, la Swiss Light Source (SLS).
Des magnons révélés par les rayons X
Dans un matériau composé de fer, de baryumbaryum et d'arsenic, non supraconducteur, mais servant de base à la fabrication de pnictures, la présence de magnons dans certaines conditions est clairement détectable. On savait que c'est lorsqu'on ajoute suffisamment d'atomes de potassiumpotassium dans ce composé que des zones plus pauvres en électrons, des trous comme on les appelle, apparaissent et transforment ce solide en pnicture supraconducteur. Certains craignaient que ces trous entravent la propagation des magnons.
Pour le savoir, les physiciens ont donc soumis le pnicture à un flux de rayons X. Si ce flux peut produire des ondes de spin, le flux de rayons réémis devait en porter la trace d'une façon bien spécifique, liée à des transferts d'énergieénergie entre les photonsphotons incidents et les magnons des ondes de spin produites.
De façon surprenante, non seulement des ondes de spin apparaissaient bien dans le pnicture, mais la présence de trous ne semblait pas vraiment faire de différence avec ce qui est observé dans le matériau de base. On pouvait donc continuer à suivre la piste des interactions magnétiques pour expliquer la formation de paires de Cooper dans les supraconducteurs exotiques que sont les pnictures de fer.