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C'est en 1986 que Georg Bednorz et Alex Müller, alors chercheurs chez IBMIBM, ont fait la découverte de matériaux devenant supraconducteurs à haute température. Elle a ouvert la porteporte à un rêve, celui d'une révolution technologique d'envergure basée sur l'existence probable de matériaux qui seraient supraconducteurs à température ambiante. Trente ans après, les physiciensphysiciens poursuivent encore ce rêve, mais il s'est révélé plus difficile à atteindre que prévu. Les meilleurs matériaux obtenus jusqu'à présent ne restent supraconducteurs qu'à des températures inférieures à 140 K, ce qui est encore bien trop froid pour une utilisation courante. Surtout, ils restent coûteux, ce qui limite leur utilisation.
Depuis quelques années, d'autres matériaux magiques font parler d'eux, mais en rapport avec l'invisibilité cette fois. Il s'agit des métamatériauxmétamatériaux. On doit à l'école de physique théorique russe, inspirée par le grand Landau, des travaux majeurs aussi bien sur la supraconductivité que sur les métamatériaux. Il n'est donc guère surprenant que ce soient deux de ces représentants qui aient eu l'idée de combiner ces deux domaines de recherche pour réaliser des supraconducteurs à haute température critique, et peut-être même à température ambiante. Dans l'article qu'ils ont déposé sur arxiv, Vera Smolyaninova et Igor Smolyaninov s'inspirent d'ailleurs des idées d'un compatriote, le physicien russe David Abramovich Kirzhnits.
David Abramovich Kirzhnits (1926-1998) est un de ces nombreux exemples de chercheurs russes dont les contributions couvrent un large spectre de la physique, des supraconducteurs à la physique des particules en passant par la cosmologie. On lui doit aussi des travaux sur les métamatériaux. © High Energy and Nuclear Physics in Russia
Comme les travaux du prix Nobel de physique François Englert, ceux de Kirzhnits ont porté sur la notion de symétrie brisée en théorie quantique des champs. Il s'est notamment fait un nom au début des années 1970 en étudiant ce qui se passait avec des champs quantiques à haute température susceptibles de présenter des transitions de phase. Le modèle standard avec le mécanisme de Brout-Englert-Higgs prédit précisément l'occurrence de ce phénomène avec une brisure de symétrie, ainsi que les théories de grande unificationthéories de grande unification, les Gut. Ces questions ont été explorées par Kirzhnits et son collaborateur de l'époque, Andreï Linde, dans le cadre de l'universunivers primordial, lorsque celui-ci n'était même pas âgé d'un milliardième de seconde. Les résultats qu'ils ont obtenus sont à la base des premières théories de l'inflation, aujourd'hui associées à Brout, Englert, Guth, Starobinsky et bien sûr Linde.
Supraconductivité, permittivité diélectrique et paires de Cooper
David Kirzhnits s'est aussi intéressé à d'autres transitions de phase dépendant de la température : celles à l'œuvre dans la supraconductivitésupraconductivité. Les scientifiques savent qu'à la base du phénomène, il y a la formation de paires d'électronsélectrons que l'on appelle des paires de Cooper. Le physicien russe a pris conscience du fait que la formation de paires de Cooper dans un matériaumatériau était influencée par la permittivitépermittivité diélectriquediélectrique de celui-ci. En particulier, la formation des paires d'électrons serait plus facile si cette permittivité diélectrique devenait négative. C'est précisément ce qui se produit avec certains métamatériaux.
Il ne s'agit encore que d'une théorie, mais selon Vera Smolyaninova et Igor Smolyaninov, la formation de paires de Cooper à haute température serait possible si l'on insère convenablement des métamatériaux dans un supraconducteur conventionnel. Il pourrait s'agir de couches alternées de ces deux matériaux ou de nanoparticulesnanoparticules en métamatériaux, comme du titanate de strontiumstrontium, incluses dans un supraconducteur. Dans ce dernier cas, il faudrait que les distances typiques entre les nanoparticules soient inférieures à ce qu'on appelle la longueur de corrélation entre paires d'électrons dans le supraconducteur, soit environ 100 nm.
Les deux chercheurs affirment que des expériences sont en cours pour tester leur théorie. Ils espèrent que de cette façon, on pourra au moins avoir de nouveaux supraconducteurs avec une température critique supérieure à celle de l'ébullition de l'azoteazote, à savoir 77 K.