En utilisant une combinaison de laser ultraviolet (UV) et de laser infrarouge (IR), une équipe de chercheurs européens a réussi à chronométrer avec une précision époustouflante la vitesse d’éjection des électrons d’un métal soumis à ces rayonnements.

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Crédit : Barbara Ferus, Université Ludwig-Maximilians, Munich

Crédit : Barbara Ferus, Université Ludwig-Maximilians, Munich

La vitesse des électrons dans un gaz avait déjà été mesurée à l'aide de sources de rayons X mais il restait difficile de le faire dans les solides avec une précision comparable. En effet, initialement, les chercheurs ne descendaient pas en dessous d'une résolution de 10 femtosecondes pour ces derniers alors que pour les gaz des échelles de temps de l'ordre de l'attoseconde étaient atteintes.

Beaucoup de phénomènes fins en chimie, dans la dynamique des électrons au cours de réactions chimiques, seraient bien mieux compris si l'on pouvait observer directement la façon dont les électrons se déplacent. La même chose pourrait se produire dans le cas des solides, et surtout des phénomènes physico-chimiques à leurs interfaces. C'est donc la course un peu partout sur la planète pour observer ce qui se passe dans le monde atomique et moléculaire à des échelles de temps de plus en plus courtes.

Comme ils l'expliquent dans Nature, Ferenc Krausz et ses collègues du Max Planck Institute for Quantum Optics à Garching en Allemagne, ont réussi en collaboration avec d'autres scientifiques en Autriche et en Espagne à mesurer le mouvement des électrons arrachés à du tungstène par un laser UV. L'échelle de temps atteinte est d'environ 100 attosecondes, ce qui correspond à 10-16 s à peu près.

La technique

Pour réaliser cette performance, ils ont bombardé un échantillon de tungstène avec une série d'impulsions laser, à la frontière séparant l'UV lointain du domaine des rayons X, durant chacune 300 attosecondes. Simultanément, d'autres impulsions, plus longues et dans le domaine IR cette fois-ci, étaient dirigées sur l'échantillon de métal.  Le rôle de ces dernières impulsions était d'accélérer les électrons arrachés par effet photo-électrique en direction d'un détecteur de temps de vol, situé un peu plus loin, au dessus de la surface du tungstène (voir shémas a et b ci-dessous).

Les chercheurs ont clairement mesuré deux temps d'arrivées différents, de l'ordre de 110 attosecondes, correspondant à deux groupes d'électrons distincts (voir les schémas c et d en fin d'article). En mesurant leurs énergies cinétiques, on peut découvrir que les premiers à quitter le métal sont les électrons de conduction de celui-ci. On peut les considérer comme un gaz piégé dans un potentiel occupant le métal et libre de se déplacer dans celui-ci un peu comme un gaz dans une boîte dont les parois seraient la surface du métal.

Crédit : Barbara Ferus, Université Ludwig-Maximilians, Munich

Crédit : Barbara Ferus, Université Ludwig-Maximilians, Munich

Le second groupe est quant à lui constitué par des électrons liés aux noyaux et qui nécessitent donc une fraction d'énergie plus importante des photons pour simplement quitter le tungstène. De fait, les électrons de ce qu'on appelle la bande de conduction dans un solide, un large intervalle d'énergie dans lequel les électrons de conduction peuvent se retrouver dans un solide un peu comme un niveau d'énergie dans un atome, possèdent une énergie cinétique à la sortie presque deux fois plus importante que les électrons de liaison.

Ces techniques d'observations pourraient aider à mettre au point des dispositifs électroniques extrêmement performants pouvant fonctionner à des cadences de l'ordre du pétahertz (1015 Hz), ce qui est un million de fois plus rapide que pour les puces actuelles. On imagine aisément la puissance de calcul des ordinateurs qu'on pourrait alors réaliser...