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Vue aérienne des installations de l'EPFL. Crédit EPFL
La compréhension de l'évolution de la structure moléculaire durant une réaction chimique ou biophysique se faisait jusqu'à présent par déduction logique sur la base d'un « avant » et d'un « après ». Mais la réaction elle-même échappait à toute observation en raison de sa brièveté.
Une équipe de recherches conduite par Majed Chergui, directeur du Laboratoire de spectroscopie ultrarapide (EPFL) en collaboration avec le FEMTO Group du Paul-Scherrer Institut (PSI), vient d'accomplir une prouesse en détaillant les processus qui s'accomplissent dans une fenêtrefenêtre temporelle couvrant la durée d'une réaction chimique simple.
L'EPFL compare volontiers ce type d'observation à celle d'un chat se contorsionnant afin de retomber sur ses pattes lors d'une chute accidentelle. Pour décrire ces mouvements en détail, il a fallu recourir aux caméras ultrarapides, capables de saisir des images au rythme, au moins, d'une toutes les quelques dizaines de millisecondes. C'est ce qui vient d'être réalisé, mais à une échelle toute autre... : la « caméra » mise au point par les chercheurs de l'EPFL produit des clichés séparés de quelques dizaines de femtosecondes (fs), soit cent milliards de fois moins. Afin de situer l'ordre de grandeur, mentionnons que 1 femtoseconde, soit 10-15 seconde, est à une seconde ce qu'une seconde est à 32 millions d'années...
Réarrangements moléculaires en direct
Certains laserslasers ultravioletsultraviolets sont capables de délivrer des impulsions de l'ordre de la femtoseconde, cependant aucune méthode optique ne peut fournir d'information sur la structure moléculaire. L'équipe du professeur Majed Chergui a résolu ce problème en mettant au point une nouvelle technique appelée spectroscopie d'absorptionabsorption X ultrarapide, basée sur la combinaison de lasers UV avec une source d'impulsion femtoseconde en rayons Xrayons X. Il s'agit donc de saisir une suite d'évènements avec un écart temporel jamais atteint jusqu'à présent, puis de les assembler en une reconstitution humainement observable. Même si la notion de « temps réel » reste toute relative puisqu'il s'agit d'une observation indirecte, cette nouvelle méthode ouvre un champ d'expérimentation totalement nouveau. Ce procédé est décrit dans la dernière livraison de la revue Science.
« Avec ce type de rayonnement pulsé et de très courtes longueurs d'ondelongueurs d'onde, il est possible d'observer directement les changements de la structure moléculaire pendant qu'ils se produisent, explique Majed Chergui, et ainsi d'obtenir des informations précises sur la rupture, la formation ou la transformation des liaisons chimiquesliaisons chimiques entre les atomesatomes ».
Jusqu'à présent, les chercheurs ont appliqué cette méthode à l'examen de complexes moléculaires renfermant des atomes métalliques, très étudiés en chimiechimie. De nombreux débouchés se profilent déjà, dans des domaines aussi variés que l'énergieénergie solaire ou le stockage d'informations, mais aussi en biologie, ce type de moléculesmolécules se rencontrant communément dans les centres actifscentres actifs des hémoprotéines (hémoglobinehémoglobine, myoglobinemyoglobine). Mais selon Majed Chergui, cette nouvelle méthode d'observation conviendrait très bien à l'étude d'innombrables réactions chimiques ou biochimiques.