au sommaire
Une vue du détecteur Star de RHIC. Crédit Brookhaven National Lab
Le monde des hadrons est formidablement complexe bien qu'il soit décrit par une théorie dont les équations ne sont pas très difficiles à écrire, celles de la QCD, ou chromodynamique quantique. Cependant, étant non linéaires, comme celles de l'hydrodynamique, les équations de la QCD recèlent des solutions complexes avec un spectre de particules très vaste, bien que ces dernières soient des états composites de 6 types de quarks, possédant chacun l'équivalent de 3 charges électriques, les charges de couleurcouleur.
Il existe ainsi des particules que l'on appelle des hypérons et qui sont plus lourdes que les protonsprotons et les neutronsneutrons. Instables, elles contiennent au moins un quark étrangequark étrange mais pas de quark beau ni de quark charméquark charmé. Fugacement créées en accélérateur, ces particules devraient exister à l'intérieur des étoiles à neutronsétoiles à neutrons, là où peut aussi exister un plasma de quarks et de gluonsgluons.
Lors des collisions réalisées dans le cadre de la physiquephysique nucléaire ou de la physique des particules, des hypérons peuvent être créés. Puisqu'ils sont sensibles aux interactions fortesinteractions fortes, ils peuvent s'incorporer dans un noyau pour donner des hypernoyaux, caractérisés par un nombre de charges électriques Z mais aussi un autre nombre quantiquenombre quantique S, l'étrangeté, porté par le quark étrange présent dans l'hypéron.
Dans cette extension 3D du tableau de Mendeleïv, le nombre étrange S est ajouté pour tenir compte des hypernoyaux contenant un hypéron lambda. Les anti-noyaux apparaissent avec une barre sur leurs symbole chimique (n désigne un neutron). Crédit : Brookhaven National Lab
On avait détecté depuis longtemps des noyaux exotiquesexotiques de ce genre, prolongeant d'une certaine façon le tableau de Mendeleïevtableau de Mendeleïev. Mais ce que viennent de produire dans des collisions de noyaux d'or les physiciensphysiciens du Relativistic Heavy IonIon Collider (RHIC) est inédit. Il s'agit d'un hypernoyau...mais d'antimatièreantimatière et c'est le plus lourd anti-noyau créé par l'Homme à ce jour.
Les chercheurs l'ont mis en évidence à l'aide du détecteur Star dont on a parlé récemment à l'occasion de la découverte de signes de violation P et CP dans les collisions produisant un plasma de quarks-gluons.
Dans le détecteur Star de RHIC, le flot de particules créé par les collisions de noyaux d'or a révélé que des anti-hypernoyaux particuliers ont été produits. Ils sont détectés en étudiant leurs produits de désintégration, des anti-noyaux d'hélium 3He et des mésons pi+. Crédit : Brookhaven National Lab
Un noyau contenant un antiprotonantiproton, un anti-neutron et un anti-hypéron lambda neutre peut se désintégrer en donnant un noyau d'anti-héliumhélium 3, avec deux anti-protons négatifs et un anti-neutron, accompagné de l'émissionémission d'un mésonméson pipi chargé positivement. Ces deux signatures concomitantes ont permis aux chercheurs d'observer indirectement la création d'environ 70 anti-hypernoyaux. Les théoriciens s'attendent à des surprises sous peu. Selon eux, des anti-hypernoyaux plus lourds ne devraient pas tarder à être découverts, jusqu'à deux fois la massemasse de celui qui vient de l'être.
Publié dans Science, ce travail est un pièce de plus dans l'édifice de la théorie de la matièrematière hadronique, fondamentale pour comprendre les étoiles à neutrons et le début de la naissance de l'UniversUnivers. Peut-être aidera-t-il à asseoir d'autres spéculations de théoriciens, comme par exemple celle sur les étoiles brûlant des quarks.