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L'ajustement de l'inverse du paramètre êta en relation avec les observations effectuées grâce à l'effet de lentille gravitationnelle n'est pas favorable à la valeur 1 de la relativité générale (GR sur ce graphique). La valeur la plus probable est plutôt de 3,5. Crédit : Rachel Bean-Lubos Motl
La relativité générale (RG) est la plus belle des théories physiques et l'expérience a prouvé que la beauté d'une théorie est un guide sûr pour trouver laquelle est correcte parmi celles qui sont possibles. Mais elle a aussi démontré que la beauté est très loin d'être un critère suffisant pour en établir la véracité.
La théorie de la relativité générale fonctionne très bien à l'échelle du système solaire et pour la prédiction du comportement des pulsars binairesbinaires. Bien des théories concurrentes de la théorie relativiste de la gravitation d'EinsteinEinstein, plus compliquées et moins élégantes qu'elle, ont ainsi été éliminées par les observations. La RG se comporte également très bien pour décrire la nucléosynthèsenucléosynthèse primordiale. Mais sommes-nous sûrs qu'elle fonctionne tout aussi bien lorsque le champ de gravitation est faible ?
On sait justement qu'à l'échelle des galaxiesgalaxies et des amas de galaxiesamas de galaxies les observations, pour être en accord avec la théorie d'Einstein, nécessite la présence de matière noirematière noire et d'énergie noireénergie noire. Et si c'était les équationséquations de la théorie de la relativité générale qu'il fallait modifier de manière à ce que de nouveaux effets se produisent à ces échelles où le champ de gravitation est faible ?
Cette voie avait été suivie par Milgrom avec la théorie Mondthéorie Mond. Cette dernière, qui n'était initialement pas relativiste et se contentait de modifier la théorie de la gravitation de NewtonNewton, avait été étendue par Jacob Bekenstein dans le cadre d'une théorie relativiste. Une généralisation similaire avait aussi été proposée par John Moffat mais la majeure partie de la communauté scientifique reste sceptique, surtout après les résultats des collisions d’amas de galaxies depuis 2006 qui constituent des arguments particulièrement convaincants en faveur de l'existence de la matière noire.
L'astronomeastronome Rachel Bean vient pourtant de jeter dans la mare un pavé suffisamment lourd pour qu'il ébranle la blogosphèreblogosphère des cosmologistes et des physiciensphysiciens théoriciens, même les plus conservateurs. Si elle a raison, il va falloir revoir la copie d'Einstein séance tenante !
Le temps et l'espace ne se courbent pas comme prévu
Qu'a donc trouvé Rachel Bean ? Pour le comprendre, il faut revenir à quelques fondamentaux relativistes. Lorsque le champ de gravitation n'est pas trop important, la courbure de l'espace-tempsespace-temps peut se réduire à l'existence de deux potentiels de gravitation. L'un concerne le temps (il affecte le rythme de l'écoulement du temps mesuré par des horloges) et l'autre l'espace (il définit la forme des règles utilisées pour mesurer des distances).
On peut estimer les valeurs de ces deux potentiels à l'échelle des amas de galaxies en étudiant l'effet sur la propagation des rayons lumineux du contenu en matière, ordinaire et noire, et en énergie noire.
On peut en tirer une quantité liée au rapport de ces deux courbures, celle de l'espace et celle du temps. La relativité générale prédit un rapport de 1. Or, des variantes de la relativité générale, qui elles aussi utilisent un espace-temps courbé mais ne reposent pas sur les mêmes équations que la théorie d'Einstein, prédisent des résultats différents.
En étudiant des effets dits de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle faible à l'échelle des amas de galaxies, l'astronome a trouvé que la valeur de ce rapport qui collait le mieux aux observations ne devait pas du tout être égal à un !
Face à un tel résultat, il faut bien garder à l'esprit que les mesures des grandeurs physiques sont toujours affectées d'incertitudes, sans parler de biais systématiques dans l'interprétation ou la mesure elle-même. Les chercheurs savent estimer les chances que leurs observations imitent par hasard un phénomène réel sans que celui-ci soit vraiment présent. En l'occurrence, il n'y a que 2% de chance que le phénomène observé soit une simple fluctuation dans les observations. L'effet n'est donc pas démontré, mais il est suffisamment présent pour que beaucoup de gens le prennent au sérieux.
La plupart des physiciens et des cosmologistes parient soit sur une erreur théorique dans les calculs, soit des erreurs dans les mesures. En général, après ce genre d'annonce, il s'écoule de quelques mois à quelques années avant que les choses rentrent dans l'ordre... Mais il faut rester ouvert d'esprit. Peut-être faudra t-il effectivement modifier les équations de la RG. Nous sommes peut-être déjà en train de regarder, à travers une petite fenêtrefenêtre, une physique au-delà du modèle standardmodèle standard.