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Les unités de mémoire magnétique d'IBM peuvent servir à former des octets, lesquels permettent de coder en binaire le mot anglais think comme on le voit sur ce schéma. © IBM
IBM est toujours à la conquête du nanomonde. Ses chercheurs le prouvent en réussissant à stocker un bit d'information avec seulement douze atomes de fer formant deux colonnes de six atomes chacune. L'ensemble constitue un rectangle dont les côtés mesurent 4 et 16 nanomètres. C'est encore avec un microscope à effet tunnelmicroscope à effet tunnel que ces atomes ont été assemblés pour former la plus petite unité de mémoire magnétique connue à ce jour. On sait que grâce aux travaux du prix Nobel de physique Albert Fert, les mémoires magnétiques ont pu être considérablement miniaturisées. Mais elles nécessitent encore pas loin d'un million d'atomes pour stocker un seul bit d'information.
Comme les chercheurs l'expliquent dans un article récent paru dans le journal Science, c'est grâce à l'antiferromagnétisme qu'il est devenu possible de faire encore chuter la taille d'une mémoire magnétique. Ce n'est cependant pas la première fois que ce phénomène, prédit théoriquement en 1936 par un autre prix Nobel de physique français, Louis Néel, est utilisé pour faire des mémoires magnétiques.
Cette image obtenue à l'aide d'un microscope à effet tunnel sensible à la direction de l'aimantation des douze atomes de fer de la mémoire magnétique des chercheurs d'IBM montre bien l'ordre antiferromagnétique. L'alternance de couleurs artificielles indique les sens opposés des moments magnétiques des atomes. © Helmholtz Association of German Research Centres
Dans un matériaumatériau ferromagnétiqueferromagnétique, les moments magnétiquesmoments magnétiques des atomes peuvent s'aligner spontanément dans une même direction du fait des interactions qu'ils exercent les uns sur les autres. On peut alors voir ces atomes comme des ensembles de petites boussoles dont les aiguilles aimantées sont parallèles partout dans le matériau. Dans le cas de l'antiferromagnétisme, les moments magnétiques s'alignent mais alternativement dans des directions opposées. C'est cette configuration qui permet de réduire la taille d'une mémoire magnétique car, jusqu'à présent, les interactions entre atomes produisant le ferromagnétismeferromagnétisme rendaient la miniaturisation difficile.
Une mémoire magnétique à la frontière des mondes quantique et classique
Les chercheurs d'IBMIBM ont donc montré qu'il était possible de stocker un bit d'information avec six atomes de fer sur deux rangées formant un ordre antiferromagnétique et de faire basculer les moments magnétiques avec une simple impulsion électrique à l'aide de la pointe d'un microscope à effet tunnel. Chaque bit d'information est ici, comme il se doit, équivalent à un 0 ou un 1 classique. De cette manière, ils ont même pu écrire le mot « think » (penser en anglais) en binairebinaire.
En théorie, cela devrait permettre de diminuer encore au moins d'un facteur cent la taille des mémoires magnétiques actuelles. Sauf que pour réaliser leur prouesse, les chercheurs ont dû travailler pas très loin du zéro absoluzéro absolu, en l'occurrence à 5 kelvinskelvins. Il faudrait pouvoir faire la même chose à température ambiante, ou pour le moins avec de l'azoteazote liquideliquide, pour qu'une véritable révolution technologique soit possible.
Mais les chercheurs ont de l'espoir. Pour eux, des groupes de deux cents atomes devraient être stables à température ambiante et toujours exhiber la possibilité de stocker de l'information grâce à l'antiferromagnétisme. Ils ont aussi une autre perspective. Avec ces douze atomes, ils sont à la frontière entre le monde classique et le monde quantique. D'autres surprises, peut-être en rapport avec des ordinateurs quantiques, pourraient les attendre.