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Au Laboratoire de spectrométrie physique de Grenoble (CNRS), à l'École polytechnique fédérale de Lausanne et à l'université de Cambridge, des chercheurs ont dû sabler le champagne avant les fêtes de Noël. Grâce à une technique originale, ces trois équipes ont créé un condensat de Bose-EinsteinEinstein à 20 kelvins, soit - 253 °C. Jusqu'à présent, il fallait frôler le zéro absolu pour obtenir un peu de matière dans cet état très particulier, prédit par le physicienphysicien indien Satyendra Nath Bose pour les photonsphotons et dont le concept a été généralisé à toutes les particules appelées bosonsbosons (du nom de Bose), de spinspin entier et qui peuvent partager le même état quantique.
Dans une condensation de Bose-Einsteincondensation de Bose-Einstein, justement, toutes les particules se comportent exactement de la même manière, comme si elles n'en formaient qu'une. Des propriétés extraordinaires surgissent, qui n'ont pas fini d'émerveiller les physiciens. Voilà 70 ans que ce sujet fait l'objet d'une recherche intense. Ce phénomène quantique intervient notamment dans la superfluiditésuperfluidité quand un liquideliquide perd toute viscositéviscosité (ce sont alors les atomesatomes qui sont condensés). Il explique aussi la supraconductivitésupraconductivité, où la condensation concerne les électronsélectrons (ou plutôt des paires d'électrons de spins opposés, ou paires de Cooper).
Mise en évidence d'un condensat de Bose-Einstein dans un gaz par mesure de la distribution des vitesses. A droite, les deux pics, obtenus à basse température, montrent l'apparition d'un groupe d'atomes se comportant tous de la même manière. Crédit : John Bohn, Jinx Cooper, Eric Cornell, Chris Greene, Murray Holland, Deborah Jin, Carl Wieman / University of Colorado
Physicien recherche particule légère
Pour obtenir un condensat, il faut refroidir généreusement ou compresser beaucoup - mais vraiment beaucoup. Au cœur d'une étoile à neutronsétoile à neutrons, ces restes d'étoiles extraordinairement compacts, on pense que la matière est un condensat superfluide. Au laboratoire, la seule solution est de refroidir très près de 0 kelvin.
On sait aussi que plus les particules sont légères et moins il faut refroidir. Les scientifiques ont suivi cette piste depuis un moment et essayé de fabriquer des condensats avec des excitonsexcitons. Ces pseudo-particules, rencontrées dans les semi-conducteurssemi-conducteurs, sont formées par l'association d'un électron (un poids plume) et d'une sorte de trou, espace vide au sein d'un réseau d'atomes et jouant le rôle de partenaire positif. Mais apparemment cette voie est pleine d'embûches.
Les éphémères polaritions
Voilà pourquoi la triple équipe a préféré les polaritonspolaritons. Discrets, voire méconnus, ces objets étranges sont aussi des quasi-particules. Elles apparaissent quand une onde lumineuse s'associe à une onde de polarisation, causée par les légers mouvementsmouvements d'une charge électrique dans un isolant (qui, par nature, ne permet pas l'établissement d'un courant). On les obtient en envoyant des excitons d'un semi-conducteur dans une microcavité contenant deux miroirsmiroirs. « Comme ils contiennent un photon, les polaritons sont des particules particulièrement peu massives, explique Daniel Le Si Dang, du Laboratoire de spectrométrie physique de Grenoble. Ils sont donc susceptibles de former un BEC à relativement haute température. »
Les polaritons n'ont qu'un défaut, mais de taille : leur duréedurée n'est que de... 1 picosecondepicoseconde, soit 10-12 seconde. Malgré ce handicap, le condensat a pu être réalisé et observé. Voilà donc un objet de plus, le condensat de polaritons, exposé à la curiosité des physiciens...