Composée d'oxyde de fer, la magnétite est probablement le premier matériau magnétique découvert par l’humanité. Une énigme persistait depuis 70 ans : pourquoi donc ce conducteur d'électricité devient-il isolant à basse température ? Preuve par les X de l'ESRF...

Le magnétisme de la matière fascine l'humanité depuis des millénaires et plus encore depuis la découverte de la supraconductivité. On le trouve à toutes les échelles, des moments magnétiques des antiprotons à la Terre elle-même. Rappelons que contrairement à ce que certains prétendent, et bien qu'il soit exact que le champ magnétique de la Terre s'inverse périodiquement, il n'existe aucun signe d'une prochaine inversion magnétique des pôles pour 2012 (et même si c'était le cas, ce ne serait pas la fin de la civilisation !).

C'est précisément dans le monde de la géologie que l'humanité a fait connaissance avec le magnétisme. Selon la tradition rapportée par Aristote, c'est Thalès qui, le premier, aurait étudié ce phénomène en rapport avec la pierre de magnésie, un aimant naturel utilisé dès la Haute Antiquité (Magnésie est une cité grecque, aujourd'hui située à l'ouest de la Turquie). Les Chinois utiliseront une roche similaire pour en faire des boussoles. Là encore, il s'agissait d'une magnétite, c'est-à-dire une roche majoritairement composée d'un oxyde de fer.

Tout naturellement, la magnétite a longtemps servi de laboratoire pour explorer le magnétisme de la matière. Toutefois, un de ses secrets faisait de la résistance depuis 70 ans. Pourquoi devient-elle un isolant lorsqu'elle est fortement refroidie ?

Une photo du cristal de magnétite microscopique utilisé pour l'expérience, ne mesurant que 40 micromètres de diamètre, à l'extrémité d'un porte-échantillon. © 2011 ESRF
 
Une photo du cristal de magnétite microscopique utilisé pour l'expérience, ne mesurant que 40 micromètres de diamètre, à l'extrémité d'un porte-échantillon. © 2011 ESRF

Une transition de phase sous l'œil des rayons X

Le phénomène avait été découvert en 1939 par le physicien hollandais Evert Verwey. En dessous de -150 °C environ, la conductivité électrique de la magnétite chutait tellement qu'il fallait la considérer comme un isolant.

La raison de cette transition de phase restait mal comprise et l'objet de plusieurs polémiques. L'énigme semble maintenant résolue si l'on en croit la publication dans Nature du bilan de travaux de recherches réalisés depuis plus d'une décennie.

Il a d'abord fallu obtenir un cristal de magnétite microscopique presque parfait, dont la taille est de l'ordre de la moitié du diamètre d'un cheveu. Selon les chercheurs, c'était l'obstacle principal à résoudre.

L'échantillon a ensuite été bombardé par un faisceau de rayons X disponible sur l'une des lignes de lumière de l'European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) à Grenoble. Les données obtenues par diffraction ont permis de comprendre comment les électrons de conduction se retrouvent piégés par des groupes de 3 atomes de fer lorsque se produit la transition de Verwey. Un subtil réarrangement de la structure des atomes de fer et d'oxygène de la magnétite intervient alors. Voilà l'énigme résolue.

La connaissance nouvellement acquise aura sans nul doute un rôle dans la mise au point de nouveaux matériaux magnétiques, par exemple pour l'électronique et la réalisation de mémoires.