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Il existe différentes façons d'obtenir des confirmations expérimentales de l'existence d'une nouvelle physique au-delà du modèle standard. Les physiciensphysiciens attendaient beaucoup des collisions de protons au LHC (et on attend toujours). Récemment, les observations de Bicep2 laissent espérer qu'elles sont bien la manifestation de traces laissées dans le rayonnement fossile par les ondes gravitationnellesondes gravitationnelles prédites par la théorie de l'inflation. De même, les scientifiques tentent de détecter directement les particules de matière noirematière noire, avec des expériences comme Lux, ou indirectement avec l'expérience AMS-02.
Une autre fenêtrefenêtre observationnelle possible sur une nouvelle physique passe par l'étude fine de la physique des neutrinosneutrinos. Une étape particulièrement importante, aussi bien pour la physique fondamentale que pour la cosmologiecosmologie, serait la démonstration que les neutrinos sont des fermions de Majorana. Dans ce cas, comme les photonsphotons, ils devraient être leurs propres antiparticulesantiparticules et pourraient alors s'annihiler en violant la conservation du nombre leptonique.
La physicienne Maria Goeppert-Mayer (1906-1972) est avec Marie Curie l'une des deux femmes à avoir été lauréate d'un prix Nobel de physique. Ses travaux portent essentiellement sur la physique nucléaire, avec notamment le fameux modèle en couches du noyau atomique et la théorie de la double désintégration bêta. Elle a contribué au projet Manhattan. © Nobel Media AB, 2014
Les neutrinos de Majorana et la cosmologie
Ces neutrinos permettent de ce fait d'imaginer des processus à l'origine de l'asymétrie entre matière et antimatièreantimatière dans l'universunivers, une énigme en cosmologie. Il existe même des modèles où, en plus des trois types de neutrinos du modèle standard, certains autres neutrinos de Majorana pourraient jouer le rôle de particules de matière noire. Il s'agit des neutrinos stériles.
Pour établir que les neutrinos sont bien des fermionsfermions de Majorana, les physiciens tentent de surprendre depuis quelques années une forme particulière de la radioactivitéradioactivité par double désintégration bêtabêta. L'existence d'une première forme de cette radioactivité a été prédite théoriquement en 1935 par la physicienne Maria Goeppert-Mayer. Elle n'a été observée qu'en 1987 avec des noyaux de séléniumsélénium instables. Au cours de ce phénomène très rare, deux désintégrations bêta moins (β-)) se produisent simultanément, avec la transformation de deux neutronsneutrons (n) en protons (p) et l'émissionémission de deux électronsélectrons (e-) et deux antineutrinos (voir le schéma 1).
Schéma 1. La double désintégration bêta (parent nucleus, noyau « père », vers daughter nucleus, noyau « fils ») avec neutrinos est lente, mais a déjà été observée. Son existence a été suspectée dès les années 1930. © National Science Foundation
Cette radioactivité double bêta n'est peut-être pas la seule du genre. En 1939, le physicien états-unien Wendell Furry, surtout connu pour un célèbre théorèmethéorème portant sur le calcul de certains diagrammes de Feynmandiagrammes de Feynman en électrodynamique quantiqueélectrodynamique quantique, s'est rendu compte que la théorie des fermions construite par Ettore Majorana autorisait une autre forme. La désintégration des noyaux, selon lui, pourrait aussi avoir lieu sans émission d'antineutrinos, comme l'illustre le schéma 2.
La double désintégration bêta sans neutrinos
C'est cette forme de désintégration qu'ont cherchée les membres de l'expérience Exo-200 (Exo pour Enriched Xenon Observatory), durant deux années à l'aide d'un détecteur installé à 650 mètres de profondeur dans le Waste IsolationIsolation Pilot Plant (WIPP). Cette installation est un centre de stockage de déchets radioactifsdéchets radioactifs militaires et issus de la recherche installé dans la commune de Carlsbad, dans le sud-est du Nouveau-Mexique. Bien isolée à cette profondeur du bruit de fond des rayons cosmiquesrayons cosmiques ainsi que du rayonnement produit par les déchets radioactifs, l'expérience a utilisé 200 kgkg de xénonxénon liquideliquide enrichi à plus de 80 % en un isotopeisotope radioactif de cet élément, le xénon 136. En 2011, elle avait détecté une désintégration double bêta avec neutrinos. La seconde forme serait-elle à portée ?
Schéma 2. La double désintégration bêta sans neutrinos est théoriquement possible, mais n'a encore jamais été observée. On la traque actuellement dans au moins deux laboratoires. © National Science Foundation
Résultat négatif. Comme l'expliquent dans un article déposé sur arxiv les physiciens engagés dans cette expérience, aucune désintégration double bêta sans neutrinos n'a été mise en évidence. Cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas car la théorie indique que le phénomène est très rare. La demi-viedemi-vie des noyaux de xénon 136 selon la désintégration double bêta sans neutrinos serait en effet supérieure à 1025 ans, c'est-à-dire plus qu'un million de milliards de fois l'âge de l'univers observable.
Exo-200 était une étape. Une nouvelle expérience est en préparation avec cette fois environ une tonne de xénon. Elle se nomme nExo (pour « Next Exo »). Plus sensible, elle permettra soit de découvrir qu'Ettore Majorana et Wendell Furry avaient vu juste, soit de poser de nouvelles contraintes sur les prédictions théoriques que l'on peut tirer de leurs travaux.