Quatre interactions dites fondamentales suffisent à décrire tous les processus physiques, chimiques ou biologiques. Parmi elles, l’interaction faible. Et pour la première fois, une équipe de scientifiques a mesuré cette interaction entre protons et neutrons au cœur du noyau d’un atome.

L'interaction faible est l'une des quatre interactions fondamentales à l'œuvre dans la nature. Elle a été décrite pour la première fois par Enrico Fermi dans les années 1930. Et elle fait aujourd'hui partie intégrante du modèle standard. Pour la première fois, des chercheurs annoncent avoir mesuré cette interaction qui agit entre protons et neutrons au cœur du noyau atomique.

« L'objectif de notre expérience était d'isoler et de mesurer une composante de l'interaction nucléaire faible qui se manifeste par l'émission de rayons gamma pouvant être comptés et vérifiés avec une grande précision statistique », explique David Brown, chercheur au laboratoire national d’Oak Ridge (États-Unis). Ainsi des neutrons froids - issus de la Spallation Neutron Source, comprenez la source neutronique par spallation - ont été dirigés vers une cible d'hydrogène liquide.

L'opération s'est déroulée sur un équipement capable de contrôler le spin de ces neutrons, les faisant basculer à la demande, du haut vers le bas, et inversement. À l'impact, les neutrons interagissent avec les protons qui constituent les atomes d'hydrogène, émettant des rayons gamma détectés par des capteurs spéciaux.

Les scientifiques ont analysé les rayons gamma émis lorsque des neutrons sont capturés par des protons dans de l’hydrogène liquide. Une infime asymétrie leur a permis d’accéder à une composante de la force faible. © Andy Sproles, Laboratoire national d’Oak Ridge
Les scientifiques ont analysé les rayons gamma émis lorsque des neutrons sont capturés par des protons dans de l’hydrogène liquide. Une infime asymétrie leur a permis d’accéder à une composante de la force faible. © Andy Sproles, Laboratoire national d’Oak Ridge

La force faible trahit par des rayons gamma

Une analyse de ces rayons gamma a révélé une violation de parité caractéristique de l'interaction faible. Une violation de parité qui a donc permis aux chercheurs d'évaluer une composante de la force faible. En faisant tout simplement la différence entre les rayons gamma émis dans le sens des spins des neutrons et ceux émis dans le sens opposé.

Une vingtaine d’années pour obtenir le résultat

Tout simplement ? Non, pas tant que ça, en réalité. Car entre l'idée de l'expérience et sa mise en œuvre, il ne s'est pas écoulé moins d'une vingtaine d'années. Pour détecter une telle asymétrie de seulement 30 parties par milliard - soit la plus petite asymétrie gamma jamais mesurée - il a en effet fallu mobiliser des instruments extrêmement sensibles et des connaissances pointues en matière d'analyse des résultats.

Mais déjà les physiciens se penchent sur une nouvelle question soulevée par leurs résultats : celle du lien entre l'interaction faible, qui agit entre protons et neutrons, et l'interaction forte qui assure la cohésion des quarks qui les composent. Pour en apprendre un peu plus, ils envisagent de rechercher maintenant l'effet de l'interaction faible sur la rotation de spin de neutrons lents dans l'hélium liquide.