au sommaire
Comme nous l'avait déjà prédit, deux physiciensphysiciens travaillant au LHC, Jessica Leveque et Alexandre Zabi, les détecteurs Alice, Atlas, CMSCMS et LHCb, n'ont pas encore découvert de nouvelles particules et encore moins des signes de l'existence du boson de Higgs. Bien que la luminositéluminosité du LHC ait été multipliée par plus de mille en quelques mois, c'est encore trop peu pour espérer créer de telles particules. Comme prévu, il n'y a pas encore eu un nombre suffisant de collisions pour avoir la chance d'en produire quelques-unes qui soient détectables.
Les physiciens sont cependant enthousiastes devant la performance des détecteurs et la rapiditérapidité avec laquelle les moyens de calculs informatiques de la Grille leur permettent de redécouvrir, en quelques jours seulement, des particules qui nécessitaient autrefois de nombreux mois d'analyses des données. Les chercheurs ont ainsi observé dans Atlas et CMS des bosons W et Z associés à l'interaction électrofaible décrite par le modèle standard, comme ils l'ont expliqué lors des séminaires de l'ICHEP 2010.
La production d’un boson W dans CMS, révélée par sa désintégration en un électron (trace bleue) et un neutrino invisible (flèche). Crédit : Collaboration CMS-Cern
En réalité, ils ont même fait mieux que cela. Les collisions produisant ces bosons se réalisent à des énergies de 7 TeV jamais atteintes auparavant. De telles valeurs rapprochant des conditions du Big Bang, les chercheurs ont pu tester le modèle de Glashow-Salam-Weinberg dans une région encore inconnue. Sans surprise, les résultats ont été conformes aux prédictions du modèle standard, déjà vérifiées au LEP à des énergies plus basses et avec grande précision.
Le quark topquark top, jusqu'ici uniquement observé et mesuré dans les expériences du Fermilab, a aussi été retrouvé dans le détecteur CMS. Connaître la massemasse du quark top et celle du boson W pose des contraintes sur la masse du boson de Higgs.
Si de la nouvelle physiquephysique n'a pas encore pointé le bout de son neznez, son absence est déjà, malgré la relative faible luminosité du LHC, une indication sur ce qu'elle n'est pas... En effet, certaines théories, comme la compositeness, font intervenir ce qu'on appelle des préons, c'est-à-dire des particules plus élémentaires que les quarks et les leptonsleptons. De la même manière que les différents éléments chimiqueséléments chimiques sont composés de nucléonsnucléons et d'électronsélectrons, des états liés d'un petit nombre de préons pourraient expliquer les différents quarks, les masses des neutrinosneutrinos et pourquoi électron, muonmuon et tauon sont des cousins proches.
Un candidat à la production d’une paire de quarks top dans CMS, les deux quarks top se désintégrant en un W et un quark b, et les deux W se désintégrant en un muon et un neutrino. Il en résulte 2 muons (traces rouges), 2 jets identifiés comme des jets de quarks b, et de l’énergie manquante (à cause des neutrinos qui s'échappent). Crédit : Collaboration CMS-Cern
De la même manière que la masse d'un atomeatome change lorsqu'il est dans un état d'énergie excité, un quark, s'il était composé de préons, pourrait apparaître très lourd avec différents états de masse dans les expériences. Cela n'a pas été le cas au LHC où les détecteurs ont exclu une masse inférieure à 1,26 TeV pour un quark lourd.
Les modèles de préons sont plutôt passés de mode aujourd'hui. Mais on pourrait avoir des surprises avec le LHC. C'est pourquoi il est bon que de telles recherches se poursuivent. Pendant quelque temps, des modèles, comme celui des rishons de Haim Harari, ont eu leur heure de gloire. Deux rishonsrishons de spinspin demi-entier, comme les quarks, suffisaient pour générer quarks et leptons sous forme de triplets de particules ou d'antiparticulesantiparticules.
La désintégration d’un boson Z produisant deux muons (lignes blanches épaisses) à l’expérience LHCb. Les marques vertes montrent les points où les particules traversent les chambres à muons. Crédit : Collaboration LHCb-Cern
Quatre mois d'expériences pour retrouver quarante ans de physique
Du côté du détecteur LHCb, en plus de voir des désintégrations de boson Z, les chercheurs ont observé plusieurs désintégrations rares de mésons Bmésons B, des hadronshadrons contenant un quark b. Dans les mois qui suivent, les physiciens de cette expérience s'attendent donc à pouvoir explorer la physique de la violation CPviolation CP se manifestant dans ces désintégrations.
L'étude de cette violation éclairera peut-être l'énigme de l'antimatière cosmologique. Dans l'immédiat, elle permettra de confirmer ou de réfuter les résultats inattendus concernant la différence de comportement entre matièrematière et antimatièreantimatière que croient détecter les expériences du Tevatron.
Les traces de particules jaillissent du cœur de l’expérience Alice, résultant de l’une des premières collisions à une énergie totale de 7 TeV. Crédit : Despina Chatzifotiadou-Cern
Bizarrement, les mesures réalisées par l'expérience Alice du nombre de particules chargées produites par les collisions de protonsprotons à 7 TeV ne correspondent pas aux prédictions des modèles théoriques. Les premiers résultats à plus basses énergies (0,9 TeV) étaient bien compatibles avec des mesures déjà effectuées au CernCern mais surtout au Tevatron. Mais à des énergies de 2,36 et 7 TeV la production est plus importante que prévue. Le plus probable est qu'il s'agit d'un défaut des simulations sur ordinateurordinateur du comportement du détecteur.
Pendant quelque temps encore, les chercheurs du Cern vont continuer à tester le comportement de leurs détecteurs afin de vérifier qu'ils peuvent retrouver sans déformation les signaux laissés par les particules du modèle standard. Pour le moment 4 mois ont suffi pour retrouver 40 ans de physique des hautes énergies !
La vraie chasse à de la nouvelle physique ne devrait pas tarder et elle peut être suivie quasiment en direct.