Les terres rares sont un enjeu économique majeur du XXIe siècle, car elles sont à la base de nombreuses technologies de pointe. Un groupe de physiciens est sur la piste de nouveaux alliages qui en seraient dépourvus, ce qui permettrait de se passer des terres rares pour fabriquer les aimants permanents des moteurs pour voitures hybrides ou des générateurs des éoliennes.

Dans son livre Abundance: The Future Is Better Than You Think (« Abondance : l'avenir est meilleur que vous le pensez »), Peter Diamandis soutient la thèse que des percées technologiques sont en cours qui vont changer complètement la disponibilité de certaines ressources naturelles dans les prochaines décennies. Il y parle bien sûr de l'énergie et de l'eau, mais pas seulement. Un article publié par un groupe de chercheurs dans Nature Communications, également disponible sur arxiv, est un exemple du genre de révolution qui pourrait arriver avec les terres rares.

Il s'agit d'un groupe de métaux aux propriétés voisines comprenant le scandium, l'yttrium et 15 lanthanides comme le néodyme et le samarium. Le néodyme est utilisé pour faire des aimants permanents performants que l'on retrouve dans les disques durs, pour constituer le moteur qui assure le positionnement des têtes de lecture-écriture. On utilise aussi ces aimants permanents pour fabriquer les moteurs électriques des voitures hybrides et les générateurs des éoliennes. La Chine est actuellement le plus gros producteur de terres rares au monde. Bien que ces métaux ne soient pas aussi rares que l'on pouvait le croire à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, lorsque les chimistes allemands et surtout français ont découvert et étudié ces nouveaux éléments, leur exploitation est difficile et pose des problèmes environnementaux.

Les terres rares sont considérées comme des matériaux stratégiques. Dans l'idéal, il faudrait soit découvrir de nouveaux procédés d'extraction peu coûteux et surtout faisant peser bien moins de risques sur l'environnement, soit développer des technologies aussi performantes que celles reposant sur l'utilisation de matériaux à base de terres rares mais en s'en passant.

Un échantillon du nouveau composé à base de fer, de lithium et d'azote qui permet d'espérer se passer un jour des terres rares pour faire des aimants permanents. © <em>Ames Laboratory</em>, 2013

Un échantillon du nouveau composé à base de fer, de lithium et d'azote qui permet d'espérer se passer un jour des terres rares pour faire des aimants permanents. © Ames Laboratory, 2013

Aimants sans terres rares mais à très basse température

Les membres de l'université d'État de l'Iowa aux États-Unis ont exploré cette seconde possibilité pour les aimants permanents. À cette fin, ils ont commencé par mélanger des grains de lithium, de fer et de nitrure de lithium qu'ils ont portés à haute température. Le mélange refroidi leur a permis d'obtenir des cristaux formant une solution solide, c'est-à-dire un mélange de corps purs formant un solide homogène à l'échelle macroscopique (l'acier est un exemple de solution solide avec du carbone dissous dans le fer).

Bien que les propriétés magnétiques de cette solution ne soient pleinement apparentes qu'à des températures très basses, ce qui veut dire qu'elle ne peut pas encore avoir d'applications industrielles, les chercheurs ont pu constater qu'elle se comportait bien comme un aimant permanent à base de terres rares. D'ordinaire, le lithium et le fer ne se mélangent pas, mais la présence des atomes d'azote a changé la donne. Les nouveaux cristaux obtenus surpassaient même les capacités d'aimantation des aimants permanents usuels d'un facteur dix en nécessitant un champ magnétique extérieur de 11 teslas pour renverser le sens de leur aimantation.

« Avec des mesures détaillées, nous avons vu que les ions fer se comportaient comme les ions de terres rares le feraient. Nous pensons que cela a à voir avec la géométrie spéciale mais assez simple qu'adoptent les ions : un atome de fer placé entre deux atomes d'azote, indique Paul Canfield, l'un des auteurs de cette découverte. Nous espérons que notre technique de croissance des cristaux et ce matériau en particulier pourront servir de modèle pour étudier théoriquement plus en profondeur ces ions fer qui se comportent comme des ions de terres rares. À l'heure actuelle, ces matériaux ont clairement des implications pour trouver des remplaçants aux terres rares utilisées dans les aimants permanents. Ils pourraient peut-être également avoir un impact sur le stockage et la manipulation des données avec des ordinateurs quantiques. »