En 2015, des physiciens du Cern avaient annoncé qu'un nouveau boson semblait pointer le bout de son nez, un peu comme le boson de Brout-Englert-Higgs en son temps. En affinant leurs analyses, les chercheurs viennent de confirmer cette impression... mais précisent qu'il est tout à fait possible que ce signal ne soit que du bruit.

Depuis janvier 2016, c'est la physicienne italienne Fabiola Gianotti qui est le boss au Cern. Elle a auparavant participé à la découverte du boson de Brout-Englert-Higgs (BEH) au sein de la collaboration travaillant avec le détecteur Atlas. Or, cette même collaboration et celle du détecteur CMS, avaient annoncé l'an dernier une curieuse observation réalisée avec ces deux géants après le redémarrage du LHC, le fameux Run 2. Les deux machines, de conceptions différentes, semblaient toutes les deux voir les premiers signes de l'existence d'un nouveau boson, cousin de ceux déjà découvert au Cern comme les bosons Z, W et bien sûr le BEH (alias boson de Higgs). Avec une masse estimée dans les deux cas à 750 GeV, il ne pouvait pas s'agir d'une particule du modèle standard.

Bien que le même signal apparaisse presque à l'identique dans deux détecteurs différents, ce qui tend à éliminer l'hypothèse d'une erreur instrumentale, les données collectées étaient encore tout à fait compatibles avec l'hypothèse d'une fluctuation statistique, un peu comme la forme changeante d'un nuage peut évoquer par hasard un animal ou un visage. Cela n'a bien sûr pas empêcher les théoriciens de spéculer sur ce signal et de produire plusieurs centaines d'articles examinant des modèles issus d'une nouvelle physique pouvant expliquer la nature de l'hypothétique nouveau boson.

Il se désintégrerait en deux photons, ce qui implique, en raison des lois générales de la théorie quantique des champs, qu'il doit s'agir d'un boson scalaire, comme le BEH, ou d'un boson de spin 2. Cette dernière éventualité est la plus excitante car le nouveau venu serait très probablement le graviton massif prédit par la théorie de supercordes et par une théorie de Kaluza-Klein.

Les supercalculateurs permettent d'étudier le déluge de particules produites par les collisions de faisceaux de protons dans le détecteur CMS. On voit ici les dépôts d'énergie mis en évidence dans ce détecteur et produits par des jets de particules. Ceux associés à une paire de photon qui semble correspondre à une nouvelle particule de masse environ 750 GeV sont en vert.
Les supercalculateurs permettent d'étudier le déluge de particules produites par les collisions de faisceaux de protons dans le détecteur CMS. On voit ici les dépôts d'énergie mis en évidence dans ce détecteur et produits par des jets de particules. Ceux associés à une paire de photon qui semble correspondre à une nouvelle particule de masse environ 750 GeV sont en vert. © Cern, Thomas Mc Cauley, CMS

Le Run 2 du LHC redémarre en avril au Cern

Comme chaque année, se tiennent en mars, à La Thuile dans la vallée d'Aoste, les célèbres Rencontres de Moriond. Elles permettent de faire le point sur les recherches en cours sur la physique des hautes énergies et en cosmologie. Le LHC n'effectue plus de collisions de protons depuis plusieurs mois mais les membres d'Atlas et CMS ont continué à analyser les données collectées pendant le Run 2 et aussi à fouiller dans les données du Run 1 à la recherche d'un nouveau boson de 750 GeV. La communauté de la physique des particules ne pouvait donc qu'être impatiente de savoir ce qui se dirait ce jeudi 17 mars 2016, en fin d'après-midi.

Le compte Twitter des Rencontres de Moriond a permis de suivre l'affaire en direct. Peu de temps après, une analyse était disponible sur le célèbre blog du physicien Adam Falkowski : Résonaance. Basiquement, la situation n'a pas beaucoup évolué. Conclusion : on est encore très loin d'une découverte. Même si la présence d'un signal troublant a été confirmée, que l'hypothèse que ce soit un scalaire et pas un graviton a pris un peu plus de poids, il semble encore très raisonnable de parier sur un simple effet du hasard.

Les collisions et la prise de nouvelles données vont bientôt reprendre au LHC. On s'attend à ce qu'en juin, ou au plus tard en août, elles permettront d'invalider l'existence de la nouvelle particule si celle-ci n'est qu'un mirage de plus produit par les fluctuations statistiques.