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Écrites sous une forme bien adaptée à l'espace-temps de la relativité restreinte, les quatre équations de Maxwell-Lorentz gouvernant le champ électromagnétique généré par des courants de charges électriques se réduisent à deux, dans lesquelles champs électrique et magnétique interviennent symétriquement. Enfin presque, car il apparaît nettement une curieuse dissymétrie qui traduit l'absence apparente de charges magnétiques élémentaires dans notre environnement.
Convaincu de la nécessaire élégance mathématique des équations de la physiquephysique, le physicienphysicien Paul DiracPaul Dirac, à qui l'on doit justement sur cette base la découverte de l'antimatière, a entrepris de remédier à cette dissymétrie en postulant en 1931 l'existence des monopôles magnétiquesmonopôles magnétiques dont il a développé la première théorie. Remarquablement, dans le cadre de la théorie quantique, elle implique nécessairement que les charges électriques et magnétiques ne peuvent exister que sous forme de multiples de deux valeurs élémentaires.
Paul Dirac était un génie. Il fut l'un des fondateurs de la théorie quantique et a découvert l'existence de l'antimatière en combinant les lois de la relativité restreinte à celles de la mécanique quantique. Sa seconde prédiction, celle de l'existence des monopôles magnétiques, attend toujours d'être vérifiée. © The Nobel Foundation
Remarquablement aussi, en 1974, les physiciens Gerard 't Hooft et Alexander Polyakov ont indépendamment découvert que les théories de Grande Unificationthéories de Grande Unification, les Gut, rassemblant au sein d'équations similaires à celles de Maxwell-Lorentz toutes les forces nucléaires et électromagnétiques au sein d'un seul champ de force fondamental, prédisaient l'existence de nouveaux monopôles très massifs. Bien trop lourds pour être produits en accélérateur, ces monopôles pourraient toutefois exister à l'état de reliques des phases très primitives de l'UniversUnivers, quand les énergiesénergies des autres particules étaient suffisamment élevées pour en créer. On pouvait donc partir à leur chasse dans les rayons cosmiquesrayons cosmiques, ou même dans les météoritesmétéorites et les roches lunaires, dans lesquelles ces particules pourraient se retrouver piégées et naturellement conservées, bien plus facilement que dans les roches de la croûte terrestrecroûte terrestre.
En 1981, dans leur célèbre ouvrage de vulgarisation L'Univers : sommes-nous seuls, les physiciens Robert Rood et James Trefil expliquaient que la découverte et surtout la capture d'au moins un de ces monopôles magnétiques pourraient révolutionner la propulsion interplanétaire et même interstellaire.
Le moteur à photons : 10 % de la vitesse de la lumière pour 90 % de charge utile
En effet, la valeur de la charge magnétique étant élevée, il devrait être possible d'accélérer facilement un monopôle avec des champs magnétiqueschamps magnétiques générés dans un accélérateur de quelques mètres de diamètre seulement et de provoquer la production d'autres monopôles lors d'une collision avec une cible fixe, par exemple des noyaux d'un métalmétal. Tout comme l'électronélectron a pour antiparticuleantiparticule le positron, un monopôle magnétique nord à son antiparticule, un monopôle magnétique sud. Très massives, ces deux antiparticules doivent pouvoir s'annihiler en donnant des dizaines de photonsphotons gamma très énergétiques.
Or, le calcul reliant la vitesse d'éjectionvitesse d'éjection d'une tuyèretuyère de fuséefusée à la quantité de carburant nécessaire pour atteindre une vitesse donnée montre qu'un moteur à photons pourrait permettre d'atteindre environ 10 % de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière avec 90 % de charge utile. En clair, il deviendrait possible de construire des vaisseaux interplanétaires dont les performances égaleraient ceux de la science-fiction. L'accès aux étoilesétoiles, à une bonne dizaine d'années-lumièreannées-lumière du SoleilSoleil ne devrait pas alors poser de graves problèmes.
Autre aspect fascinant de ce mode de propulsion : les monopôles magnétiques ne s'annihilent pas avec la matièrematière ordinaire. Le champ magnétique des noyaux devrait donc permettre de les stocker, dans du métal par exemple (certains modèles de Gut prédisent toutefois que les monopôles peuvent catalyser la désintégration des protonsprotons ; c'est l'effet Rubakov-Callan). En résumé, disposer d'un seul monopôle permet en théorie d'en produire à volonté puis de les séparer avec des champs magnétiques pour stocker d'un côté les particules et de l'autre les antiparticules dans de simples blocs de métal. Elles pourraient alors en être extraites à volonté pour alimenter un moteur à photons.
Une présentation du détecteur IceCube. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © National Science Foundation, YouTube
IceCube ne devrait pas manquer les monopôles... s'ils existent
Bref, en plus de confirmer l'existence d'une nouvelle physique et d'ouvrir une porteporte sur la naissance de l'Univers observable, détecter et capturer un monopôle magnétique permettrait à l'humanité de coloniser le Système solaireSystème solaire et peut-être la Voie lactéeVoie lactée. Quelques dizaines de millions d'années suffiraient, en supposant la constructionconstruction d'arches de l'espace se déplaçant à quelques pourcents de la vitesse de la lumière...
Mais comment détecter au moins un tel monopôle, en supposant qu'ils existent et que leur densité relique après le Big BangBig Bang soit suffisamment importante, ce qui ne va pas de soi ? Bien qu'il ait été initialement conçu pour détecter et étudier des neutrinos de hautes énergies, le télescopetélescope IceCube installé dans les glaces de l'AntarctiqueAntarctique offre une telle possibilité. De fait, les physiciens viennent de déposer sur arxiv le bilan d'une campagne de recherche qui a duré de mai 2008 à mai 2009, alors que l'instrument était en cours de construction, puis de mai 2011 à mai 2012.
Cette étude a posé des bornes sur le flux des monopôles magnétiques arrivant sur Terre en se déplaçant à au moins 51 % de la vitesse de la lumière. À ces vitesses, les monopôles magnétiques génèrent dans la glace un effet Tcherenkoveffet Tcherenkov des milliers de fois plus élevé que ne le feraient un électron ou un muonmuon. Les instruments d'IceCube, qui traquent indirectement les électrons de cette façon, ne peuvent donc pas manquer le passage de ces monopôles.
Malheureusement, ils n'en ont pour le moment vu aucun. Cela a toutefois permis d'améliorer d'un facteur presque égal à cent la précédente limite pour le flux de monopôles relativistes de la Voie lactée. En 2014, les membres de la collaboration IceCube avaient déjà posé de cette façon des bornes pour le flux de monopôles non relativistes, c'est-à-dire dont les vitesses sont inférieures à 10 % de celle de la lumière. Les astrophysiciensastrophysiciens en avaient conclu que les monopôles ne pouvaient pas constituer l'essentiel de la matière noirematière noire baignant notre GalaxieGalaxie.