Grâce à des puces neuromorphiques photoniques, les ordinateurs de demain pourraient réagir comme un cerveau humain, et ce tout aussi rapidement. Pourtant, même si des chercheurs de Princeton (États-Unis) ont aujourd’hui fait un pas de plus vers un ordinateur optique compétitif — plus économiquement que techniquement —, la route s’annonce encore longue.

Reproduire les comportements du cerveau humain, c'est l'objectif ultime des spécialistes de l'intelligence artificielle. Pour l'atteindre, ils se reposent sur le concept de « réseau neuronal » qui, à l'image de notre cerveau, connecte des objets élémentaires -- les neurones formels -- pour résoudre des problèmes complexes. Dans la pratique, un tel réseau se construit au cœur d'un ordinateur, sous la forme d'un algorithme. L'un des avantages du réseau neuronal, c'est qu'il est, comme notre cerveau, flexible et doué d'apprentissage.

Ainsi, les puces bio-inspirées -- autrement appelées puces neuromorphiques -- visent à reproduire dans le silicium ce qui se passe à l'état naturel dans notre cerveau. La question qui reste encore posée est celle de la vitesse de réaction de telles puces. Toutefois, des chercheurs de l'université de Princeton (États-Unis) pourraient détenir une réponse intéressante. Ils ont en effet mis au point la toute première puce neuromorphique photonique capable de calculs à très grande vitesse.

L'idée d'un ordinateur optique est dans les esprits depuis plusieurs décennies, car utiliser des photons comme support de l'information à la place des électrons présenterait un certain nombre d'avantages. Ainsi, lorsque des électrons se déplacent dans des solides, leur vitesse est limitée. Ces déplacements provoquent des dégagements de chaleur. Or, pour augmenter la vitesse de calcul d'un ordinateur -- et le nombre de calculs qu'il peut réaliser --, il faut aussi augmenter les vitesses de déplacement des électrons. Résultat : la chaleur dégagée est encore plus intense et les performances des puces électroniques s'en voient limitées. Un problème qui pourrait être surmonté grâce à l'ordinateur optique.

Les réseaux de neurones jouissent d’un grand intérêt. C’est en effet grâce à eux que les limites de l’intelligence artificielle pourront être repoussées. Encore faut-il qu’ils puissent réfléchir à grande vitesse. C’est justement ce que promettent des chercheurs de l’université de Princeton (États-Unis) avec leur puce neuromorphique photonique. © PeterPhoto123, Shutterstock

Les réseaux de neurones jouissent d’un grand intérêt. C’est en effet grâce à eux que les limites de l’intelligence artificielle pourront être repoussées. Encore faut-il qu’ils puissent réfléchir à grande vitesse. C’est justement ce que promettent des chercheurs de l’université de Princeton (États-Unis) avec leur puce neuromorphique photonique. © PeterPhoto123, Shutterstock

L’ordinateur optique sauvé par les réseaux de neurones

L'ennui, c'est que les ordinateurs optiques coûtent cher. Trop cher ! Alors, ils restent encore aujourd'hui cantonnés à des marchés de niche, comme le traitement de signaux analogiques que seules les puces photoniques peuvent réussir à satisfaire. Cependant, les réseaux neuronaux pourraient ouvrir de nouvelles perspectives en la matière.

Le cœur du problème est la difficulté d'imaginer un système optique dans lequel chaque nœud présente des caractéristiques de réponse semblables à celles d'un neurone. Chaque nœud ? Dans la pratique, de petits guides d'ondes circulaires sculptés dans un substrat de silicium et qui permettent à la lumière de circuler dans le réseau. Chaque nœud fonctionne sur une longueur d'onde bien définie selon la technique de multiplexage par division d'onde. Puis, les longueurs d'onde sont additionnées avant d'être injectées dans un laser. La sortie laser est quant à elle renvoyée vers les nœuds afin de créer un circuit de rétroaction non linéaire. L'équipe de l'université de Princeton a pu démontrer que l'introduction de cette non-linéarité permet d'imiter le comportement des neurones tout comme le font les réseaux de neurones récurrents à temps continu qui sont aujourd'hui classiquement utilisés. Ainsi, les puces neuromorphiques photoniques pourraient profiter pleinement de toutes les avancées déjà réalisées de ce côté.

Par exemple, les chercheurs de Princeton ont sollicité un réseau de 49 nœuds photoniques pour résoudre un certain type d'équation différentielle. Ils ont obtenu des résultats près de 2.000 fois plus rapidement qu'avec un réseau neuronal classique. De quoi, peut-être, convaincre ceux qui restaient encore sceptiques. Cependant, l'avenir des puces neuromorphiques photoniques dépend aussi des développements à venir sur les plus classiques (mais encore innovantes) puces neuromorphiques électroniques. En effet, pour devenir compétitives, les premières devront largement surpasser les secondes en performances !