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De gauche à droite, devant le schéma de la lentille plane, l'équipe de la SEAS : Francesco Aieta, Federico Capasso et Patrice Genevet. © Eliza Grinnell, SEAS Communications
La lentillelentille parfaite, rêve des opticiensopticiens, des fabricants de microscopes et des astronomesastronomes, existe. Une équipe américaine de la SEAS (Harvard School of Engineering and Applied Sciences) l'a rencontrée. Et même fabriquée. Depuis des siècles, on sait tailler une lentille de verre pour modifier le trajet des rayons lumineux, par exemple pour obtenir un grossissement. Mais des déformations apparaissent dans l'image, en fonction de l'angle de visée ou de la couleur, selon que les rayons frappent le centre ou les bords de la lentille.
Les opticiens déploient des trésors d'imagination pour éviter ces défauts mais depuis quelques années une nouvelle voie s'est ouverte : les métamatériaux. En construisant une structure répétitive dont les motifs sont suffisamment petits, on obtient l'équivalent d'une lentille avec des effets jusque-là inconnus dans la nature. Le secret est de construire des alignements de petites formes dont les dimensions sont proches de la longueur d'onde du rayonnement électromagnétique que l'on veut manipuler. Pour la lumière visible, par exemple, il faut descendre sous le micromètremicromètre, puisque les longueurs d'onde vont de 380 à 680 nanomètres (nm).
La lentille plane, à gauche, est une fine tranche de silicium de 60 nm d'épaisseur. Elle porte des petites structures faites d'or (en blanc sur l'image grossie). À droite, les zones concentriques, chacune caractérisée par un certain décalage de phase (Phase shift) en degrés, généré par la disposition des structures d'or. En ajustant ainsi les propriétés optiques du centre vers les bords, on peut éliminer les aberrations inévitables avec les lentilles de verre. © Federico Capasso et al./Nanoletters
Des lentilles gravées
De telles structures sont donc plus faciles à réaliser pour l'infrarouge ou les ondes radio, de longueurs d'onde plus grandes. Ce sont des constructionsconstructions de ce genre qui ont permis d'atteindre une certaine forme d'invisibilité, quand des rayons (au mieux dans le proche infrarouge) sont détournés autour d'un petit espace.
L'équipe de la SEAS, elle, décrit une méthode encore plus simple pour créer des lentilles de cette manière, en déposant sur une fine tranche de silicium, de 60 nm d'épaisseur, une couche d'or d'1 nm. Par une technique de gravuregravure, ils retirent ensuite cet or, laissant des petites formes en « V », alignées de différentes manières. Ces dépôts métalliques se comportent comme de minuscules antennes, expliquent les chercheurs, qui, en quelque sorte, absorbent temporairement l'onde incidente pour la réémettre dans une autre direction et avec un léger déphasage, correspondant à un petit délai. C'est le phénomène que l'on obtient dans l'épaisseur d'une lentille de verre mais il est ici créé par une surface. De plus, le dimensionnement et le positionnement de ces minuscules antennes détermine précisément l'effet produit, ainsi que la longueur d'onde sur laquelle agira la lentille.
L'équipe obtient une absence totale d'aberrationsaberrations optiques, par exemple celle que l'on observe avec un objectif grand angle, quand les perspectives sont modifiées. Avec cette technique de gravure, il suffit en effet de faire varier la forme et la position des antennes sur la surface pour ajuster aussi finement que nécessaire les propriétés de la lentille. Le prototype réalisé travaille dans le domaine des ondes radio mais, selon les auteurs, « à l'avenir, les éléments de la majorité des systèmes optiques pourraient être remplacés par ce genre de structures planes ».