au sommaire
Le prix Nobel de physique Sin-Itiro Tomonaga est l’un des découvreurs de la formulation relativiste de la théorie quantique des champs. © Nobel Foundation
Dans le monde de la physique quantique, les particules ne sont ni vraiment des ondes, ni vraiment des particules. On est en fait confronté à des quanta d'énergie dont les manifestations ressemblent parfois, selon l'instrument de mesure, à de vraies ondes ou à des vraies particules. L'une des conséquences de l'existence de quanta d'énergie est que divers mouvements collectifs de particules élémentaires, aux échelles d'énergie de ces mouvements, apparaissent eux-mêmes comme de nouvelles particules portant un quantum d'énergie chacune.
Ainsi, même si nous savons que les noyaux sont composés de protons et de neutrons, aux échelles d'énergie de la physiquephysique atomique, par exemple lorsque l'on chauffe un peu un bloc de ferfer ou lorsqu'on le soumet à une différence de potentiel, ces noyaux se comportent comme des particules élémentaires. En dessous du point de fusionfusion du fer, les oscillations des noyaux autour de leur position d'équilibre font que les lois de la physique quantiquephysique quantique imposent l'existence de paquetspaquets d'énergie liés à ces oscillations et aux ondes sonoresondes sonores se propageant dans le réseau cristallinréseau cristallin. Ce sont des phononsphonons, bel exemple de ce qu'il est convenu d'appeler des « quasi-particules ».
Dans un matériaumatériau supraconducteursupraconducteur classique, ces phonons forcent les électronsélectrons de conduction à former des paires de Cooper, lesquelles constituent alors une sorte de superfluidesuperfluide pouvant s'écouler sans résistance électriquerésistance électrique. Dans un semi-conducteur, les électrons quittant la bande de valence pour aller dans la bande d'énergie de conduction, celle où ils peuvent se déplacer sans être liés autour d'un noyau du semi-conducteursemi-conducteur, laissent un trou qui peut lui-même être décrit comme une quasi-particule. On peut lui associer une charge, un moment cinétiquemoment cinétique et une massemasse effective, comme une vraie particule élémentaire.
Le physicien Joaquin Luttinger, qui a reformulé la théorie des liquides quantiques, connue sous le nom de théorie des liquides quantiques de Tomonaga-Luttinger. © Columbia University
Dans les années 1950, l'un des découvreurs de la formulation relativiste de la théorie quantique des champs, le prix Nobel de physique japonais Sin-Itiro Tomonaga, avait jeté les bases de la théorie de la conduction des électrons dans des solidessolides que l'on pouvait considérer comme des objets en 1D (en tout état de cause, résoudre des problèmes en 1D est parfois un bon moyen de comprendre plus facilement des phénomènes en 2D ou 3D). Reprise et reformulée dans les années 1960 par le physicienphysicien Joaquin Luttinger, et malgré des erreurs de sa part, elle est connue aujourd'hui sous le nom de théorie des liquidesliquides quantiques de Tomonaga-Luttinger. C'est le physicien Lev Landau qui est à l'origine de la théorie des liquides quantiques, plus précisément des liquides de Fermi, c'est-à-dire du comportement des électrons (qui sont des fermionsfermions) dans un solide quand on ne peut plus négliger les interactions des électrons entre eux. Un modèle de gazgaz de particule est alors moins pertinent.
Spinons, orbitons et chargeons, les trois avatars de l'électron
Comme Tomonaga l'avait compris, le comportement collectif du liquide quantique d'électrons dans ces structures faisait apparaître un curieux phénomène, celui de séparation spin-charge. Tout se passait comme si ce liquide d'électrons était composé de particules différentes portant seulement l'une des caractéristiques de l'électron.
Tout comme les phonons, ces particules sont en réalité des quasi-particules mais il s'agit alors de spinonsspinons (des quasi-particules possédant le spinspin ½ d'un électron mais aucune charge) et de chargeonschargeons (chargons en anglais, d'autres quasi-particules cette fois-ci dépourvues de spin mais possédant la charge d'un électron). Dans un semi-conducteur, cela donnerait lieu aussi à la formation de holonsholons, c'est-à-dire encore des chargeons mais avec une charge opposée à celle de l'électron. Les électrons sont toujours là en tant que particules élémentaires mais leur comportement est équivalent à celui d'un mélange de spinons et de chargeons/holons. On exprime parfois ce fait en disant que l'électron a été scindé en trois particules, mais l'expression est quelque peu abusive et même trompeuse.
L'existence des spinons et des chargeons n'a été vraiment démontrée qu'il y a quelques années seulement. Mais il manquait à l'appel une autre quasi-particule dont l'existence avait été découverte théoriquement vers la fin des années 1990 : l'orbiton. Elle tire son nom de sa caractéristique. Si un électron possède un moment cinétique intrinsèque, son spin, il a aussi un moment cinétique orbital lorsqu'il tourne autour d'un noyau.
Comme l'explique un article publié dans Nature, l'orbiton a finalement été découvert par des chercheurs de l'Institut Paul Scherrer, en Suisse, en faisant se diffracter des rayons Xrayons X sur une structure 1D dans un échantillon de Sr2CuO3. Selon l'un d'entre eux, ce comportement collectif des électrons, équivalent à l'existence d'un mélange de trois types de quasi-particules différentes, pourrait bien contenir, avec la découverte de l'orbiton, une des clés pour comprendre la supraconductivité à haute température critique des fameux cuprates.