Il leur aura fallu deux décennies d'essais, mais les physiciens sont finalement parvenus a démontrer que, tout comme l'eau qui passe de l'état liquide à l'état gazeux, le noyau des atomes peut changer de phase. Prédit par la physique théorique, ce comportement du noyau atomique vient d'être confirmé expérimentalement pour la première fois par un groupe de chercheurs, auquel est associé Luc Beaulieu, chercheur au Département de physique, génie physique et optique ainsi qu'au Centre de recherche de l'Hotel-Dieu de Québec. Le groupe de chercheurs americains, avec lequel il travaille, a publié, dans l'édition du 8 janvier de la revue Physical Review, les détails de l'expérience qui a conduit à cette démonstration.
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Crédits : astrosurf.com
Infiniment petit
Les physiciensphysiciens ont de bonnes raisons pour avoir mis tant d'années à démontrer l'existence d'un changement de phase du noyau. D'abord, pour vaporiser un noyau d'atome, il faut des températures de l'ordre de 100 milliards de degrés Kelvin. La seule facon connue d'obtenir de telles températures sur Terre est de bombarder le noyau avec un faisceau de particules voyageant à des vitesses près de celle de la lumière. Ensuite se pose le problème de mesurer un phénomène qui dure une fraction d'un milliardième de seconde dans un noyau dont la dimension est 10 000 fois inférieure a celle de l'atome, lui-même déjà minuscule. C'est le tour de force qu'a réussi le groupe de Luc Beaulieu en faisant appel à l'équipement sophistiqué du Brookhaven National Laboratory AGSAGS Nuclear Particle Accelerator, situé dans l'Etat de New York. Les chercheurs ont bombardé des noyaux d'or - reconnus pour se comporter comme un liquide - avec un faisceau de protonsprotons et de pions. "Les particules entrent en collision avec le noyau d'or et, selon la force de l'impact, différents fragments sont éjectés, explique Luc Beaulieu. Nos appareils mesurent l'identité, la direction et la vitesse de chaque débris éjecté en fonction de la violence de la collision. Par la suite, nous faisons le même travail qu'un expert qui essaie de reconstituer à rebours chaque étape qui suit l'explosion d'une bombe."
Astronomiquement grand
L'exercice permet d'inférer, pour le noyau, des caractéristiques équivalentes à la température et la pressionpression d'évaporation. Les chercheurs peuvent ainsi tracer une courbe très similaire au diagramme de phasediagramme de phase qui décrit, en fonction de la pression et de la température, le passage de la forme liquide à la forme gazeuse d'un élement ou d'une moléculemolécule. "C'est la première fois que l'on parvient a produire un diagramme de phase pour un système ou les particules sont liées par la force nucléaire plutôt que par la force électromagnétique, souligne Luc Beaulieu. Le résultat que l'on obtient est tout à fait similaire aux diagrammes de phase qu'on trouve dans n'importe quel livre de physiquephysique depuis un siècle. Il y a un parallèle intéressant parce que le comportement des molécules et du noyau est semblable (le noyau répond aux équationséquations de physique comme un gaz parfaitgaz parfait). Cependant, l'échelle de grandeur des forces en cause est tout à fait différente." A titre d'exemple, le kryptonkrypton bout a 209 degrés Kelvin alors que son noyau entre en "ébullition" à des températures 400 millions de fois plus élevées. Curieusement, la démonstration faite par les chercheurs sur des particules infiniment petites aura ses principales répercussions dans l'astronomiquement grand. "Le système que nous décrivons permet de prédire comment va se comporter la matièrematière soumise à des conditions extrèmes de températures et de pressions, comme celles qu'on retrouve dans certaines étoilesétoiles, affirme Luc Beaulieu. Il peut nous aider a mieux comprendre ce qui se passe dans les étoiles à neutronsétoiles à neutrons et dans les supernovaesupernovae. Il pourrait même nous aider a détérminer ce qui s'est produit dans les premiers instants qui ont suivi le Big BangBig Bang, lorsque la matière est passée de l'état gazeuxétat gazeux à l'état de plasma."