Deux physiciens de la célèbre université de Santa-Barbara sont parvenus à une bien étrange conclusion en partant des travaux d’un des grands mathématiciens à l’origine de la topologie, Heinz Hopf. Les équations de Maxwell gouvernant les phénomènes électromagnétiques autoriseraient la formation de véritables nœuds de lumière !

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Des exemples de nœuds de lumière. Crédit : Irvine et Bouwmeester

Des exemples de nœuds de lumière. Crédit : Irvine et Bouwmeester

William Irvine travaille avec le groupe de Dirk Bouwmeester à l'université de Santa-Barbara en Californie, là où œuvre également Steven Giddings, un des physiciens ayant prédit la possible création de mini trous noirs au LHC. Irvin et son collègue Bouwmeester viennent de publier un article dans Nature dans lequel ils exposent une conclusion surprenante, issue d'une analyse mathématique profonde des célèbres équations du champ électromagnétique, découverte vers 1865 par James Clerk Maxwell.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces équations possèdent des solutions correspondant à des faisceaux de lumière s'entrelaçant pour former des séries d'anneaux complexes ressemblant aux anneaux olympiques. En réalité, ce sont les lignes de champs électriques et magnétiques qui adoptent ce genre de configurations stupéfiantes. Pour découvrir ces nouvelles solutions d'équations que l'on pensait bien connaître, les deux chercheurs se sont basés sur une branche extraordinaire des mathématiques, la topologie.

Baptisée la géométrie du caoutchouc, elle permet de classer des formes géométriques pouvant se transformer continûment les unes dans les autres. C'est ainsi qu'un topologiste ne fait pas de différence entre une tasse de café et un pneu de voiture. On peut en effet déformer la première  en conservant un seul trou, celui de l'anse de la tasse, qui  deviendra celui du pneu. En revanche, une sphère ne possédant pas de trou, il n'est pas possible de la déformer continûment en tore, c'est-à-dire en un pneu.

Outre de permettre de faire de la géométrie avec des objets plus complexes que des triangles et des polyèdres, cette branche des mathématiques est aussi très puissante pour démontrer des théorèmes d'existence et d'unicité des solutions des équations différentielles et aux dérivées partielles, omniprésentes en physique.

Le mathématicien Heinz Hopf. Crédit : Paul Halmos
Le mathématicien Heinz Hopf. Crédit : Paul Halmos

Dans les années 1930, un des grands noms de cette discipline toute jeune, remontant au travaux de Riemann et de Poincaré, était le mathématicien allemand Heinz Hopf. En 1931, il découvrit une structure géométrique assez abstraite que l'on nomme la fibration de Hopf. Cette dernière a acquis une grande importance en topologie et même au-delà. On l'emploie en effet en relativité générale pour étudier des solutions des équations d'Einstein et elle sert à construire la description mathématique des célèbres qubits des ordinateurs quantiques. Sa description nous entraînerait trop loin mais une série de vidéos remarquables, donnée en lien à la fin de l'article, permet relativement aisément au lecteur curieux de se familiariser avec la notion de fibration de Hopf.

Appliquée aux équations de Maxwell, comme William Irvine et Dirk Bouwmeester l'ont découvert, elle implique bel et bien que des cercles de lumières enlacés sont possibles. Tout comme les récents travaux sur l’invisibilité, eux aussi basés sur une analyse puissante des équations de Maxwell, ce résultat magique prouve que même dans des domaines apparemment bien défrichés, nous ne sommes pas à l'abri de magnifiques surprises...

Les deux chercheurs réfléchissent actuellement à la manière de réaliser physiquement ces nœuds de lumière. La parenté du phénomène et des équations décrivant les tourbillons complexes des lignes de courants dans un fluide turbulent, conduit à penser que cette découverte pourrait avoir des implications remarquables en mécanique des fluides. Ce pourrait être le cas, notamment, pour la fusion contrôlée, où la stabilité de telles structures pourrait avoir son mot à dire.