Jusqu’ici, toutes les tentatives de mesures imaginées par les physiciens avaient échoué. Soixante ans que ce champ électrique leur échappait. Mais ils viennent finalement de le détecter. Et il explique bien des choses.
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L'histoire commence à la fin des années 1960. Au moment où les premières sondes spatiales ont survolé les pôles de notre Terre. Elles ont alors détecté un flux de particules qui s'échappaient de notre atmosphèreatmosphère. Une sorte de ventvent polaire dirigé vers l'espace. Et le phénomène a immédiatement attiré l'attention des scientifiques. Non pas qu'ils s'étonnaient que des particules s'échappent de notre atmosphère - à l'image de ce que fait la vapeur d'une casserole d'eau bouillante -, mais ils ont été surpris de voir des particules froides filer ainsi à des vitesses supersoniques.
Les physiciensphysiciens ont alors rapidement soupçonné un champ électrique d'être responsable du phénomène. Ils l'ont imaginé généré à environ 250 kilomètres d'altitude. Dans ces régions-là, les atomes de notre atmosphère se décomposent en effet en électrons et en ions. Compte tenu des différences de masses entre les deux, on pourrait s'attendre à ce qu'ils s'éloignent les uns des autres, par gravitégravité. Mais comme électrons et ions portent des charges opposées, ils devraient générer un champ électriquechamp électrique qui empêche leur séparationséparation. Un champ électrique que les physiciens qualifient d'ambipolaire parce qu'il permet aux ions d'entraîner les électrons vers le sol lorsqu'ils subissent la gravité et à l'inverse, aux électrons de soulever les ions vers les hauteurs lorsque ceux-ci tentent de fuir vers l'espace. Avec pour conséquence, une augmentation de la hauteur de notre atmosphère et des ions qui s'élèvent suffisamment haut pour finalement s'en échapper.
Une fusée suborbitale pour révéler le champ électrique de notre Terre
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, les scientifiques ont longtemps cherché à détecter un tel champ électrique. Sans succès. Jusqu'à aujourd'hui. Et après plusieurs années de développement d'un nouvel instrument. Les chercheurs de la NasaNasa racontent dans la revue Nature.
Ils ont d'abord identifié « le seul site de lancement de fuséesfusées au monde où l'on peut voler à travers le vent polaire et effectuer les mesures » dont ils avaient besoin pour cela. Cet endroit se situe au Svalbard. Alors en mai 2022, les scientifiques ont mis le cap sur cet archipelarchipel norvégien à quelques centaines de kilomètres seulement du pôle Nord. Et après une quinzaine de minutes de vol suborbitalsuborbital, leur fusée, baptisée Endurance, a bien mesuré une variation du potentiel électrique ! De 0,55 voltvolt, seulement. Soit à peu près ce qu'il faut pour faire fonctionner une montre. Mais assez pour expliquer le vent polaire.
Un champ électrique faible, mais suffisant à expliquer le vent polaire
« C'est plus que suffisant pour contrer la gravité qui s'exerce sur les ions d'hydrogènehydrogène qui sont les particules les plus abondantes dans le vent polaire », assure Alex Glocer, co-auteur de l'étude, dans un communiqué de la Nasa. Avec un effet dix fois supérieur à celui de la gravité, « c'est même suffisant pour les éjecter de notre atmosphère à des vitesses supersoniques ».
Les chercheurs estiment que le champ ambipolaire, en tant que champ fondamental de notre Planète aux côtés de la gravité et du magnétismemagnétisme, a peut-être continuellement façonné notre atmosphère au fil du temps - d'une manière qu'ils espèrent maintenant pouvoir commencer à explorer. Et comme ils ont désormais montré que la dynamique interne d'une planète pouvait créer un champ électrique ambipolaire, ils avancent que des champs électriques similaires devraient exister sur d'autres planètes, notamment sur VénusVénus et sur Mars. Ne reste plus qu'à les mesurer, eux aussi...