Cartographier les changements de température à l’échelle nanométrique avec une résolution inférieure à un degré : un rêve pour beaucoup de physiciens et biologistes. Cela permettrait de contrôler précisément l’expression des gènes. Plus généralement, bien des processus biologiques pourraient être mieux compris et manipulés. Un groupe de chercheurs vient de faire un pas significatif dans cette direction avec des nanothermomètres en diamant.

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    On sait que les réactions chimiques, notamment leur vitesse, dépendent de la température à laquelle elles se produisent. Généralement, cette vitesse baisse avec la température, c'est pourquoi on peut conserver plus longtemps des aliments en les mettant au réfrigérateur. Certaines réactions biochimiques sont optimales sur un certain intervalle de température : on sait par exemple que si le corps humain se réchauffe ou se refroidit trop, cela conduit à la mort. Or, pour les extrêmophiles, ces plages de températures peuvent être fort différentes d'une espèceespèce à une autre : certains de ces organismes se développent dans des sources chaudes, ou au contraire dans les eaux glacées de l'ArctiqueArctique.

    La plupart des processus biochimiques, de l'expression des gènes jusqu'au métabolismemétabolisme cellulaire, sont fortement dépendants de la température à laquelle ils ont lieu. Connaître précisément ces conditions thermiques à l'intérieur des cellules lors de ces réactions amènerait à mieux comprendre le vivant. À une échelle à peine plus grande, connaître la température individuelle des cellules dans un tissu permettrait d'étudier comment celles-ci réagissent lorsqu'elles se divisent, même en ayant des températures différentes.

    Nanothermomètres en diamant ultrasensibles

    Les progrès des nanosciences et de la nanotechnologienanotechnologie pourraient offrir aux biochimistesbiochimistes les nouveaux outils dont ils avaient besoin pour effectuer de telles études. C'est ce qu'expliquent des chercheurs de l'université Harvard dans un article récemment publié dans Nature, portant sur l'utilisation de nanodiamants comme nanothermomètres pour le milieu cellulaire.

    On voit sur cette image en fausses couleurs le rayonnement émis par les nanothermomètres en diamant dans une cellule. La paroi de la cellule est indiquée en pointillés. © <em>Nature</em>

    On voit sur cette image en fausses couleurs le rayonnement émis par les nanothermomètres en diamant dans une cellule. La paroi de la cellule est indiquée en pointillés. © Nature

    Ce n'est pas la première fois que l'on arrive à mesurer des températures dans des cellules, en particulier humaines, puisque l'on avait déjà utilisé des molécules fluorescentes à cet effet. Mais selon les chercheurs, la technique qu'ils ont mise au point aurait un potentiel bien plus grand. Leurs nanothermomètres sont déjà plus de dix fois plus sensibles que leurs prédécesseurs, et sont capables de discerner des fluctuations de température de l'ordre de 0,05 K dans une cellule. Quand on sait qu'en principe ils peuvent atteindre une sensibilité de 0,0018 K, on comprend sans peine que ces travaux en sont encore à leurs balbutiements.

    L'idée d'utiliser des nanodiamants pour sonder les cellules n'est pas nouvelle. Les nanodiamants possèdent des défauts ponctuels, les centres NV, composés d'un atome d'azote et d'une lacune. Ces défauts constituent des centres colorés azote-lacune dotés d'une photoluminescence intense et parfaitement photostable à température ambiante. Depuis quelques années, plusieurs équipes de recherche utilisent cette propriété pour réaliser une bio-imagerie cellulaire. Ces mêmes centres colorés confèrent aux nanodiamants des propriétés magnétiques en rapport avec des états de spin qui permettent de mesurer optiquement des champs magnétiqueschamps magnétiques.

    Des nanothermomètres pour la nanomédecine

    Dans le cas des travaux menés par les chercheurs d'Harvard, tout a commencé par l'introduction, à l'aide d'un nanofilament, des nanothermomètres en diamantdiamant dans des cellules embryonnaires humaines. Une fois cela fait, les cellules ont été illuminées par un faisceau laser de couleurcouleur verte. Les centres colorés azote-lacune des nanodiamants ont réagi par fluorescence en émettant en réponse une lumièrelumière rouge. Comme l'intensité de cette lumière dépend de la température locale du milieu cellulaire, cela permet donc de dresser une sorte de carte des températures dans les cellules.

    En utilisant un autre apport des nanosciences, à savoir des nanoparticules d’or injectables dans les cellules, les chercheurs sont même capables de chauffer très précisément certaines parties des cellules et de contrôler le processus grâce aux nanothermomètres. En effet, les nanoparticulesnanoparticules d'or peuvent être chauffées en utilisant, là aussi, un faisceau laserlaser. En mesurant l'élévation de la température résultante grâce aux nanodiamants, on sait donc comment il faut doser la quantité de rayonnement délivrée aux nanoparticules d'or pour atteindre la température voulue.

    L'utilisation de cette technique par les biologistes et les « nanomédecins » semble prometteuse. Peut-être nous donnera-t-elle des clés pour comprendre le cerveaucerveau humain ou pour lutter contre le cancercancer.