Depuis plus de cinquante ans, les astrophysiciens nucléaires s’obstinaient à retrouver par le calcul les caractéristiques précises d’un état excité du noyau de carbone, nécessaire à sa synthèse dans les géantes rouges. C’est finalement chose faite grâce au superordinateur Jugene.

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    Dans les différentes étapes de l'Histoire du cosmoscosmos observable menant du Big Bang au Vivant, il en est sans doute une qui nous concerne particulièrement : la synthèse du carbone présent dans toutes les molécules organiques constituant les cellules des organismes vivants. On n'a commencé à comprendre l'origine des noyaux qu'à la fin des années 1930 avec les progrès de la théorie de la structure stellaire et la constitution de la théorie quantique des réactions nucléaires.

    Ce n'est cependant qu'après la seconde guerre mondiale et au début des années 1950 que l'astrophysique nucléaire a vraiment pris son envol. La théorie qui se développe alors, conjointement avec les données issues des collisions de noyaux en accélérateurs, est celle de la nucléosynthèse stellaire.

    Plusieurs réactions thermonucléaires peuvent faire briller les étoilesétoiles et certaines nécessitent la présence de noyaux de carbone. Mais d'où viennent ces noyaux eux-mêmes ?

    La réaction triple alpha de synthèse du carbone conduisant à l'état excité de Hoyle du noyau de carbone. © <em>Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation</em> (CSIRO)-A Tovey

    La réaction triple alpha de synthèse du carbone conduisant à l'état excité de Hoyle du noyau de carbone. © Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO)-A Tovey

    Un état excité du noyau de carbone

    L'une des réactions les plus prometteuses pour produire les grandes quantités de carbone observées dans le cosmos fait intervenir la collision de trois noyaux d'héliumhélium. C'est la réaction triple alpha. Elle est très rare puisqu'elle nécessite presque trois collisions simultanées dans la fournaise stellaire. Il faut donc que les étoiles brillent suffisamment longtemps pour que du carbone soit synthétisé en quantités importantes et que la vie basée sur le carbone puisse apparaître.

    C'est l'astrophysicienastrophysicien Edwin Salpeter qui a le premier considéré sérieusement la réaction triple alpha et effectué les premiers calculs avec, au début des années 1950. Toutefois, un problème restait. La quantité de carbone sortant des équationséquations de Salpeter était bien trop faible. C'est l'un des pères de l'astrophysique nucléaire qui trouva un début de réponse. Considérant que notre simple présence dans l'universunivers observable était une preuve que la nature possédait bel et bien une voie de synthèse efficace du carbone, il postula un niveau d'énergieénergie bien particulier dans la structure en couche du noyau de carbone. Si ce niveau existait et correspondait à un état excitéétat excité du noyau, tout comme il existe des états excités des électronsélectrons dans un atomeatome, alors il devenait possible de réconcilier calculs et observations.

    Cet état excité fut observé quelques années plus tard par le prix Nobel de physiquephysique William Fowler. Toutefois, personne n'arrivait à calculer la valeur de ce niveau d'énergie à partir de l'équation de Schrödingeréquation de Schrödinger. D'une certaine façon donc, la synthèse du carbone dans les étoiles restait énigmatique.

    Une vue du superordinateur d'IBM, le Jugene. © <em>Jülich Supercomputing Centre</em>

    Une vue du superordinateur d'IBM, le Jugene. © Jülich Supercomputing Centre

    Un nouvel élément pour débattre du principe anthropique

    L'énigme n'en est plus une grâce aux simulations conduites à l'aide du superordinateursuperordinateur Jugene du Forschungszentrum Jülich en Allemagne. Avec des collègues américains, des chercheurs des Universités de Bonn et de Bochum sont bel et bien parvenus à retrouver numériquement ab initio les niveaux d'énergie du noyau de carbone dans le fameux état de Hoyle, nécessaire à l'efficacité de la réaction triple alpha. Tout comme dans le cas de la massemasse du protonproton, ce sont des calculs sur réseaux avec l'astuce du temps imaginaire qui ont été mis en œuvre.

    Les physiciensphysiciens se demandent maintenant s'il ne serait pas possible d'apporter, avec la connaissance nouvellement acquise, quelques éléments de plus au débat généré par la découverte de Hoyle dans le cadre du principe anthropique. En effet, l'existence d'un niveau d'énergie excité bien particulier, nécessaire pour l'apparition de la vie basée sur le carbone, semble tellement peu triviale que certains y voient la preuve d'un projet dans l'univers, celui de l'apparition de la vie justement. Que faudrait-il en conclure si de légères modifications des valeurs des constantes impliquées dans le calcul de l'état de Hoyle entraînaient l'impossibilité de la synthèse du carbone, ou bien montraient son insensibilité à la variation de ces constantes ?