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La théorie des forces nucléaires faiblesforces nucléaires faibles a une longue histoire et plusieurs prix Nobel de physique s'y sont attaqués. Tout a commencé avec la découverte de la radioactivité bêtabêta, lorsqu'un neutron se désintègre en donnant un électron et en se transformant en proton. Cette réaction était une énigme pour les physiciensphysiciens du début des années 1930 car elle semblait violer la sacro-sainte loi de la conservation de l'énergieénergie. Niels BohrNiels Bohr était prêt à faire un tel changement de paradigme mais pas Wolgang Pauli qui postula l'émissionémission d'une particule neutre, sans massemasse et interagissant faiblement avec la matièrematière : le neutrino.
Enrico FermiEnrico Fermi comprit rapidement l'importance de l'hypothèse de Pauli et formula une première théorie de la désintégration bêta. Phénoménologique, cette théorie rencontra néanmoins des succès impressionnants.
Suite à la démonstration de l'existence du neutrino en 1956 et aux expériences en accélérateurs de particules montrant l'existence d'un déluge de nouvelles particules, il devint clair que l'on était en présence d'une nouvelle force fondamentale, la force nucléaire faible. Il devint clair aussi qu'il fallait étendre la théorie de Fermi et ce fut l'œuvre de Robert Marshak et George Sudarshan en 1958.
Indépendamment d'eux, Richard Feynman et Murray Gell-Mann devaient arriver à la même conclusion mais c'est malheureusement à eux seuls, et non Marshak et Sudarshan, que l'on se réfère habituellement lorsque l'on parle de la théorie V-A des interactions faibles.
Nicola Cabibbo. © Marcella Bona
Pendant les années 1960, en se basant sur cette théorie des forces nucléaires faibles, un pas de plus fut franchi avec la découverte de la théorie électrofaiblethéorie électrofaible de Glashow-Salam-Weinberg, rassemblant en un seul jeu d'équationséquations les forces nucléaires faibles et la force électromagnétique. Le prix Nobel de physique 1979 fut attribué à ces trois chercheurs, mais sans mentionner les travaux de Sudarshan, ce qui laissa celui-ci un peu amer.
Ce sentiment, c'est aussi celui qu'a éprouvé Nicola Cabibbo en 2008 lorsque le prix Nobel de physique fut attribué à Kobayashi et Maskawa. Ces derniers avaient postulé l'existence de 6 quarksquarks et avaient introduit la désormais célèbre matrice de Cabibbo-Kobayashi-Maskawa expliquant la violation CPviolation CP présente dans les forces nucléaires faibles entre quarks.
Comme son nom l'indique, cette matrice est une généralisation de celle proposée en 1963 par Cabbibo pour décrire certaines réactions entre particules dans la théorie des forces faibles, avant la découverte de la structure en quarks des hadronshadrons. Plusieurs s'étaient étonnés de cette amnésieamnésie du comité Nobel touchant ce digne représentant de l'école italienne, dont les contributions à la physique des neutrinosneutrinos sont d'une grande importance, comme l'a encore illustré le succès d'Opera.
C'est pourtant très probablement pour Sudarshan que la situation est la plus intriguante. En effet, ses contributions à la physique ne se limitent pas à celle des particules élémentairesparticules élémentaires pour laquelle il a d'ailleurs introduit aussi la notion de tachyon. Rappelons que cette hypothétique particule se déplacerait toujours plus vite que la lumièrelumière sans entrer en contradiction avec la théorie de la relativité (pour la causalité, c'est une autre question...).
Sudarshan a aussi réalisé des travaux importants en optique quantique et l'attribution à Roy Glauber en 2005 d'un autre prix Nobel de physique a été l'occasion pour lui de se plaindre dans une lettre. Sudarshan peut aussi se vanter d'avoir été à l'origine du nom d'effet Zénon quantique dont il fut l'un des premiers à signaler la présence dans le monde quantique. Comme Alan TuringAlan Turing avant lui, il a en effet montré qu'en observant suffisamment fréquemment une particule instable, on l'empêchait de se désintégrer !
A l'instar d'Oppenheimer, Schrödinger et Wigner, Sudarshan s'intéresse aussi beaucoup à la philosophie du Vedanta que l'on peut trouver dans les Upanishad et la Bhagavad Gîta. Ces textes indiens dont l'accès à un esprit occidental est facilité par les traductions et commentaires de Srî Aurobindo résonnent en effet étrangement avec la description du réel et de la cosmologiecosmologie par la physique moderne.
Que ce soit pour Nicola Cabbibo ou Ennackal Chandy George Sudarshan, l'oubli de la Fondation Nobel vient en tout cas d'être en partie réparé par l'attribution de la médaille Dirac 2010 à ces deux éminents chercheurs. Ce prix est décerné chaque année par l'Abdus SalamAbdus Salam International Centre for Theoretical Physics (ICTP).