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Les observations des courbes de révolution des étoiles autour du centre de leurs galaxies montrent qu'elles tournent trop vite si l'on se base sur la loi de la gravitation de Newton ou sur la masse déduite de la luminosité des galaxies. © Gianfranco Bertone
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Le moins que l'on puisse dire est que la déclaration que vient de faire un groupe d'astronomesastronomes de l'ESO, sur la détermination précise des mouvements de plus de 400 étoiles, situées jusqu'à 13.000 années-lumière du Soleil dans et en dehors du plan de la Voie lactée, doit laisser particulièrement perplexes un bon nombre de leurs collègues.
En mesurant ces mouvements, comme cela a été fait pour les courbes de rotation des étoiles et des nuagesnuages de gazgaz dans les galaxiesgalaxies, ainsi que pour les galaxies dans les amas, il est possible de remonter à la distribution de massemasse qui les cause par son attraction gravitationnelle. De même, cette distribution de masse peut être déduite des effets de lentille gravitationnelle qui sont d'autant plus importants que les objets les causant sont plus massifs.
C'est de cette façon que de multiples preuves concordantes de la présence de la matière noire ont été apportées. Si une modification des lois de la gravitationgravitation à grandes distances, comme celle proposée par la théorie Mondthéorie Mond et ses avatarsavatars, n'était pas encore exclue, les dernières observations ne permettaient pas vraiment de se passer de la matière noirematière noire.
Et voilà que Christian Moni-Bidin, le responsable de l'équipe ayant mesuré les caractéristiques de ces 400 étoiles, vient de déclarer à propos des mesures de son équipe : « La quantité de masse que nous avons déduite correspond très bien à ce que nous voyons (les étoiles, la poussière et le gaz) dans la région autour du Soleil. Cela ne laisse aucune place pour la matière supplémentaire - la matière noire - que nous pensions trouver. Nos calculs montrent qu'elle aurait dû clairement ressortir dans nos mesures. Mais elle n'est pas là ! ».
On pense que la Voie lactée (Milky Way) est entourée d'un halo sphérique de matière noire (Dark Matter Halo) représenté en bleu sur cette image d'artiste. Sur la gauche, on voit le volume où se trouvent les 400 étoiles étudiées défiant le modèle standard de la matière noire. © ESO/L. Calçada
Une première explication est que la distribution de matière noire est moins homogène qu'on ne le pensait et que par une extraordinaire malchance, nous nous trouvons dans une sorte de bulle de sous-densité de matière noire dans la Voie lactéeVoie lactée. Les diverses tentatives pour découvrir de la matière noire dans le flux de particules cosmiques frappant la Terre, avec des expériences comme Coupp et Picasso, seraient alors probablement vouées à l'échec ou deviendraient bien plus problématiques, ce qui n'est pas une bonne nouvelle...
Si le LHCLHC se révèle incapable de produire des particules de matière noire et même si un détecteur en orbiteorbite comme AMSAMS ne peut pas la mettre en évidence directement, cela sera particulièrement frustrant pour les cosmologistes et les astrophysiciensastrophysiciens des particules. Sans parler bien sûr de continuer à postuler l'existence d'une matière non seulement noire mais insaisissable.
Une modification de la forme du halo de matière noire ?
Mais la situation apparaît comme bien pire selon les astronomes ! C'est en effet l'existence même du halo de matière noire censé entourer la Voie lactée, comme toutes les autres galaxies, qui semble réfutée par leurs mesures. À moins d'imaginer qu'il n'a pas une forme sphérique et de faire des contorsions théoriques pour lui donner une forme aplatie, on ne pourrait pas sauver la théorie de la matière noire... Mais même dans cette hypothèse, un halo non sphérique remettrait peut-être en cause ce que l'on sait de la matière noire car les simulations basées sur la matière noire froide canonique ne sont pas très favorables à la formation de ce type de halo selon les chercheurs (toutefois, de telles simulations existent, basées sur le modèle ∧CDM).
On a donc d'un côté des observations qui montrent qu'il y aurait une composante de masse supplémentaire, ou une modification des lois de la gravitation à l'échelle des galaxies et des amas de galaxiesamas de galaxies, et d'un autre côté cette observation dans la Voie lactée, donc peut-être plus fiable, qui montre que non, en accord avec les échecs répétés de détection de la matière noire sur Terre.
Faudra-t-il simplement revoir ce que l'on pensait de la matière noire en modifiant ses propriétés, ce qui pourrait finalement être une bonne chose car on est peut-être en présence de la trace d'une nouvelle physiquephysique ? Ou faudra-t-il revoir toute la copie sur la cosmologie en éliminant l'existence de la matière noire ?
Pour Christian Moni-Bidin : « Malgré les nouveaux résultats, la Voie lactée doit certainement tourner beaucoup plus vite que ce que l'on peut expliquer avec la seule matière visible. Aussi, si la matière noire n'est pas présente là où on l'attend, une nouvelle explication au problème de la masse manquante doit être trouvée. Nos résultats contredisent les modèles en vigueur. Le mystère de la matière noire en devient juste encore plus mystérieux. De prochains sondages, tels que ceux de la mission Gaia de l'Esa, seront cruciaux pour avancer au-delà de ce point ».
Futura-Sciences devrait revenir sur ces questions dans un prochain article.