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L’observation des courbes de vitesse de révolution v des étoiles autour du centre de leur galaxie à une distance r montrent qu'elles tournent trop vite, si on se base sur la loi de la gravitation de Newton ou sur la masse déduite de la luminosité des galaxies. C'est l'une des preuves de l'existence de la matière noire. Une partie de cette matière noire pourrait être constituée d'une nouvelle particule postulée pour rendre compte de difficultés avec la théorie des forces nucléaires fortes : l'axion. © Gianfranco Bertone
Le modèle standard des particules élémentaires prédit une valeur très faible du moment électrique dipolaire de l'électron, si menue qu'elle n'est pas encore à la portée des expériences destinées à la mesurer. Certaines théories au-delà du modèle standard prédisent par contre une valeur plus importante, et c'est pourquoi la quête de la mesure du moment électrique dipolaire de l'électron est une voie de recherche possible pour découvrir de la nouvelle physique. À l'inverse, le modèle standard, plus précisément les équations de la QCD, la théorie des forces nucléaires fortes, autorise une valeur très élevée pour le moment dipolairemoment dipolaire du neutronneutron, en contradiction avec les expériences qui ne lui en attribuent aucun. Pour expliquer ce résultat, on a d'abord supposé que l'un des quarksquarks du modèle standard avait une masse nulle. Mais là aussi, les expériences ont exclu cette possibilité. L'explication la plus couramment admise aujourd'hui fait de nouveau intervenir de la nouvelle physique.
En 1977, Roberto Peccei et Helen Quinn ont émis l'hypothèse que le terme dans les équations du modèle standard responsable de l'apparition d'un moment dipolaire pour le neutron était rendu nul par l'existence d'un nouveau champ scalaire. Ce terme était aussi responsable de phénomènes violant la symétrie CP dans le cadre de la chromodynamique quantiquechromodynamique quantique qui, là non plus, n'étaient pas observés expérimentalement. Comme ces deux prédictions fausses du modèle standard « entachaient » celui-ci, le prix Nobel de physique Frank Wilczek a donné le nom d'axion à la particule associée au champ scalaire de Peccei et Quinn, en référence à une marque de lessive.
Helen Quinn, née en 1943, est une physicienne des particules américaine d'origine australienne dont les contributions à la recherche d'une théorie unifiée pour les trois types d'interactions de particules ont été reconnues par plusieurs distinctions, dont la médaille Dirac. Elle est surtout célèbre pour ses travaux concernant la chromodynamique quantique, la QCD. © Lubos Motl, DP
L'axion et l'effet Primakoff
Au cours des années, l'intérêt pour cette nouvelle particule n'a fait que croître lorsque l'on s'est rendu compte qu'elle était l'un des meilleurs candidats au titre de particule de matière noire. En effet, l'axionaxion est une particule neutre, peu massive et qui interagit très peu avec la matièrematière. On a tenté de le détecter sur Terre en utilisant ce qu'on appelle l'effet Primakoff, originellement découvert avec une autre particule d'un champ scalaire, le pion. Appliqué à l'axion, l'effet Primakoff implique que lorsqu'un champ magnétiquechamp magnétique est suffisamment fort, des photonsphotons assez énergétiques peuvent être convertis en axions et inversement. Une idée proposée pour les produire et les détecter a donc été d'envoyer un rayon laserlaser dans une zone où règne un fort champ magnétique juste devant un murmur. Une partie des photons se changeraient alors en axions qui, du fait de leur faible couplage avec la matière, traverseront le mur sans aucun problème pour pénétrer juste après dans une seconde région possédant, elle aussi, un champ magnétique intense. Un processus de conversion inverse se produirait, et le laser éclairerait donc une zone située derrière le mur !
Lorsqu'un photon (γ) pénètre dans une région de l'espace où règne un fort champ magnétique (B, que l’on peut décrire sous forme de photons virtuels γ*), il pourrait se transformer en axion (a). Le processus inverse s'appelle l'effet Primakoff, et il est à la base de plusieurs expériences pour tenter de découvrir si les axions existent vraiment. © University of Washington
La chasse aux axions, qui se poursuit notamment avec l'expérience Axion Dark Matter Experiment (ADMX), est malheureusement restée vaine jusqu'à présent. Mais si l'on en croit un article déposé sur arxiv par Christian Beck de l'université de Londres, une preuve de l'existence de l'axion a peut-être déjà été donnée en 2004 par une équipe de chercheurs du CEA et du CNRS travaillant sur des jonctions Josephson (du nom du prix Nobel 1973 Brian Josephson). Rappelons que ces jonctions sont notamment employées pour fabriquer des détecteurs de champs magnétiques très sensibles, les SquidSquid (superconducting quantum interference devices). Les Squid sont utilisés dans toutes les disciplines où des magnétomètresmagnétomètres très performants sont indispensables, comme la physique, la médecine, l'archéologie et la géologiegéologie.
Né en 1940, Brian Josephson a été l'un des plus jeunes lauréats du prix Nobel de physique. Après ses travaux brillants sur la supraconductivité, il s'est tourné vers la parapsychologie et autres pseudosciences. © Cavendish Laboratory, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
À la base, une jonction Josephson est constituée de deux supraconducteurssupraconducteurs séparés par une très fine couche d'isolant électrique (jonction S-I-S) ou un métalmétal conducteur normal (jonction S-M-S). Lorsque l'on provoque la formation de paires de Cooper dans ces supraconducteurs en les refroidissant, il apparaît spontanément un courant continucourant continu dont la valeur est liée aux caractéristiques des supraconducteurs. Cet effet a été prédit en 1962 par Brian Josephson. Les paires de Cooper sont suffisamment nombreuses pour former un état collectif analogue à une onde électromagnétiqueonde électromagnétique classique composée d'un grand nombre de photons, et elles transitent d'un supraconducteur à l'autre par effet tunneleffet tunnel. Mais ce qui est remarquable, c'est que lorsqu'on applique une différence de potentiel constante entre les deux extrémités d'une jonction Josephson, il apparaît un courant alternatifcourant alternatif oscillant avec une fréquencefréquence ne dépendant que de cette différence de potentiel, de la charge électrique de l'électron et de la constante de Planckconstante de Planck.
Une matière noire composée à 17 % d'axions
Selon Beck, le comportement du courant dans une jonction Josephson serait sensible à la présence des axions, qui s'y transformeraient en photons. En revenant sur une curieuse anomalieanomalie restée jusqu'ici sans explication dans une expérience réalisée en 2004 avec une jonction Josephson, le chercheur arrive à expliquer cette anomalie en supposant qu'elle est causée par le flux d'axions nous traversant constamment. Il en tire une valeur pour la massemasse de l'axion d'environ 0,11 meV et une densité d'environ 500 milliards de ces particules par centimètre cube dans l'espace autour de nous. De telles valeurs rendraient compte d'environ 17 % de la densité de la matière noirematière noire dans l'univers observable.
Toutes ces spéculations restent cependant à confirmer par de nouvelles expériences, selon le chercheur. Mais à supposer qu'il existe bien un champ axionique dans l'universunivers, les conséquences de sa découverte pourraient aller bien au-delà du problème de la matière noire, car la théorie des supercordesthéorie des supercordes prédit naturellement l'existence d'un tel champ.