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L'article que publie aujourd'hui un groupe de chercheurs en physique nucléaire constitue en quelque sorte le prolongement de celui dont Futura-Sciences avait déjà parlé en 2011. Il concernait la dérivation des caractéristiques de l'état excité de Hoyle du noyau de carbone au moyen de calculs sur superordinateurssuperordinateurs. Rappelons que cet état rend possible la production abondante de carbone par nucléosynthèse stellaire, ainsi que celle de l'oxygène. Sans cet état, les étoilesétoiles n'auraient pas pu produire suffisamment de carbone pour que la vie apparaisse sur Terre.
Si l'on accepte l'hypothèse (évidemment contestable) que la vie ne peut apparaître sur des exoterres ou des superterres que sous une forme carbonée similaire à celle que l'on connaît sur Terre, l'existence de cet état très particulier soulève des questions. Elles ont fait couler beaucoup d'encre en liaison avec ce qu'on appelle le principe anthropique.
Du Big Bang au vivant est un projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine. Hubert Reeves, Jean-Pierre Luminet et d'autres chercheurs y répondent à des questions, à l'aide de vidéos. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, YouTube
Le carbone et le principe anthropique
Il existe plusieurs formulations de ce principe, mais on peut en gros distinguer le principe anthropique fort et le principe anthropique faible. Le premier postule que l'ensemble des lois fondamentales de la physique, avec son jeu de constantes fondamentales comme la massemasse de l'électronélectron ou la constante de structure fine, ne s'explique que parce qu'il permet l'apparition de la vie. Le second constate simplement que si les lois de la physique avaient été différentes, nous ne serions pas là pour poser des questions. Dans cette dernière formulation, il n'y a aucun finalisme, on se contente de constater l'existence de la vie pour en déduire des informations sur la structure des lois de la physique.
Après avoir réussi à dériver par le calcul l'existence de l'état excité de Hoyle, les auteurs de l'article de 2011 se sont attaqués à la détermination de l'effet qu'auraient des variations de la masse des quarks légers u et d, constituant les protonsprotons et les neutronsneutrons, sur l'existence de ce niveau d'énergieénergie. Leurs conclusions sont exposées dans un article déposé récemment sur arxiv.
Si les masses des quarks dans les protons et les neutrons avaient été un peu différentes, le carbone (C) ou l'oxygène (O) seraient rares dans le cosmos. La vie carbonée dans de l'eau liquide n'aurait sans doute pas pu apparaître sur Terre, pas plus que des océans. © Nasa
Le boson de Higgs et le principe anthropique
Pour mieux les comprendre, rappelons que les nucléonsnucléons sont susceptibles de se trouver au sein d'un noyau sur différents niveaux d'énergie, un peu de la même façon que les électrons dans un atomeatome.
De même que les niveaux d'énergie atomiques interviennent dans l'explication des réactions chimiquesréactions chimiques possibles, les niveaux d'énergie des noyaux influencent les caractéristiques des réactions en chimiechimie nucléaire. Si le niveau d'énergie de l'état excité de Hoyle avait été un peu plus élevé, trop peu de carbone aurait été synthétisé par les étoiles pour que la vie apparaisse. S'il avait été un peu plus bas, le carbone produit aurait été trop abondant, de sorte que la nucléosynthèse dans les étoiles n'aurait pas permis la production de suffisamment de noyaux d'oxygène cette fois-ci.
En cherchant les effets sur l'état de Hoyle des changements de la masse des quarksquarks légers, les physiciensphysiciens sont tombés sur une nouvelle surprise. Elle va certainement redonner un peu de vie aux débats scientifiques et philosophiques entre ceux qui pensent que l'état excité de Hoyle est une preuve de la validité du principe anthropique fort et ceux qui pensent qu'il n'en est rien.
En effet, les calculs montrent maintenant que des différences de valeurs de plus de 2 à 3 % pour les masses des quarks légers u et d se traduiraient par des valeurs du niveau d'énergie de l'état excité de Hoyle incompatibles avec l'apparition de la vie carbonée telle que nous la connaissons. Les valeurs de ces masses doivent elles-mêmes être très probablement fixées par les caractéristiques du champ du boson de Higgs.