Où en est le projet Iter, ce réacteur expérimental de fusion contrôlée ? Après quelques désagréables surprises concernant son coût et des accumulations de retard, il semble désormais que tout soit sur la bonne voie. La construction avance comme prévu et Iter devrait bien voir son premier plasma en 2025.
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Il n'est pas possible d'assurer dignement le futur de l'humanité au XXIe siècle sans des sources d'énergie suffisantes et sans réduire l'injection de gaz carboniquegaz carbonique dans l'atmosphèreatmosphère pour limiter, autant que faire se peut, le réchauffement climatiqueréchauffement climatique et rester en dessous des fameux 2 °C supplémentaires. Ainsi, nous ne pourrons pas nous passer de l'énergie nucléaire. La Chine l'a bien compris, car, tout en développant massivement le solaire et l'éolien, elle a entrepris de développer tout aussi rigoureusement son parc nucléaire, avec 19 réacteurs en construction.
Cependant, même la fission nucléaire a des limites face aux besoins en énergie de l'humanité au cours de ce siècle. C'est pourquoi, il nous faut également maîtriser, aussi vite que possible, l'énergie de la fusion contrôlée. L'Union européenne, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie, la Chine et les États-Unis en sont conscients : ils ont lancé il y a dix ans le programme Iter (acronyme de International Thermonuclear Experimental ReactorInternational Thermonuclear Experimental Reactor, en anglais, ce qui signifie Réacteur thermonucléaire expérimental international). Rappelons qu'il ne s'agit pas de réaliser un prototype de réacteur industriel pour la production d'électricité mais de donner une preuve de principe qu'un tel réacteur est possible.
L'état du chantier d'Iter en avril 2018. © Iter Organization
Le premier plasma, mais pas encore les premières réactions de fusion
Comme pour beaucoup de projets d'envergure, les coûts et le calendrier initialement prévus sont estimés de façon bien trop optimiste. Iter n'a pas échappé à cette règle, mais il semble qu'un régime de croisière réaliste ait finalement été trouvé, comme le prouvent des communiqués récents sur le site d'Iter annonçant, au mois de novembre 2017, dans le jargon propre à ce type de réalisation, « la finalisation de 50 % du périmètre total des réalisations indispensables à la production du premier plasma ». Entendez par là, comme le précise le communiqué de Bernard Bigot, directeur général d'Iter Organization, que 50 % du chemin menant de la conception des éléments de la machine à l'obtention d'un premier plasma dans le tokamak a été parcouru (en passant par la conception et la fabrication des systèmes de l'installation, la constructionconstruction des bâtiments, l'expédition et la livraison, l'assemblage et l'installation des éléments).
Le premier plasma, mais pas encore les premières réactions de fusion, devrait donc bien être obtenu comme programmé, c'est-à-dire pour le mois de décembre 2025. Car, comme le précise également Bernard Bigot : « Tous les indicateurs montrent que le programme Iter progresse de manière soutenue et régulière. Au cours des deux années écoulées, nous avons respecté toutes les échéances qui avaient été fixées par le conseil Iter ». Et le directeur général d'ajouter : « Iter s'apprête à léguer aux générations futures un héritage d'une immense valeur : la démonstration de la faisabilité de l'énergie de fusion -- une énergie propre, sûre et virtuellement inépuisable ».
Iter : retard confirmé pour le premier plasma, pas avant 2025
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 08/05/2016
Au moins 5 milliards d'euros de plus, pas de production de plasma avant 2025 et pas de fusion avant 2035, telles sont les estimations tenues enfin pour raisonnables et crédibles quant au fonctionnement du réacteur Iter, selon un groupe d'experts indépendants mandatés par les responsables du projet de réacteur thermonucléaire.
On se souvient que c'est en 2006 que l'Europe, la Chine, l'Inde, le Japon, la Russie, les États-Unis et la Corée du Sud se sont officiellement lancés dans la construction d'un réacteur destiné à tester la faisabilité de la production d'énergie via la fusion contrôlée. Baptisé Iter, ce réacteur n'avait pas la prétention d'être un prototype pour la production industrielle d'électricité mais de démontrer que cela devait être possible. Les plus optimistes espéraient que ce successeur d'Iter verrait probablement le jour à l'horizon 2040.
Quant à Iter lui-même, en 2006, on prévoyait que son coût de construction allait être de l'ordre de 5 milliards d'euros et que les premières expériences sur le plasma (mais sans réaction de fusion du deutérium avec le tritium) allaient débuter cette année. Mais rapidement, il est apparu qu'il faudrait plutôt attendre 2019 et dépenser environ 15 milliards d'euros dont 45 % à la charge de l'Union européenne et le reste réparti à hauteur de 9 % pour chacun des autres partenaires du projet.
Or, déjà à la fin de l'année 2015, le réputé journal Science faisait état d'une nouvelle estimation qui commençait à circuler selon certains experts, reportant le premier plasma à au moins 6 ans dans l'avenir, c'est-à-dire à l'horizon 2025. On vient d'apprendre officiellement que le rapport du Groupe d'Experts Indépendants mandatés par le Conseil Iter, organe exécutif d'Iter Organization, avait bel et bien validé une nouvelle estimation qui confirmerait celle avancée l'année dernière, si l'on en croit des déclarations récentes de Bernard Bigot, l'ancien administrateur général du CEA qui a succédé au Japonais Osamu Motojima début 2015, comme directeur général d'Iter Organization.
Iter ne fusionnera pas du deutérium et du tritium avant 2035
Le journal Science précise que selon le calendrier beaucoup plus réaliste proposé par Bernard Bigot et son équipe, qui a donc été validé par le groupe d'expert, les premières expériences sur le plasma devraient avoir lieu en décembre 2025 au plus tôt, et celles sur la fusion, 10 ans plus tard. Au moins 4,6 milliards d'euros de plus seraient nécessaires, ce qui ferait donc un coût d'au moins 20 milliards d'euros.
Inutile de dire que ce ne sont pas vraiment de bonnes nouvelles alors que l'on aurait besoin de produire encore plus d'énergie dans les années à venir pour résoudre les problèmes grandissants de l'humanité et que l'on doit rapidement cesser d'utiliser les énergies fossilesénergies fossiles, bien que l'on sache qu'il n'est pas réaliste d'espérer leur substituer des énergies renouvelablesénergies renouvelables à 100 % dans le temps imparti pour maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2 °C. Espérons que des initiatives comme celle de la création de la Breakthrough Energy Coalition, ou du stellarator Wendelstein 7-X, porteront leurs fruits bien avant.