Comment contrôler le processus de fusion thermonucléaire ? C'est l'une des grandes questions qui se posent sur le plan expérimental pour le développement d'un réacteur exploitable de façon industrielle et constituant une source d'énergie « docile ». C'est aussi un enjeu d'ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), prévu à Cadarache dans le sud de la France. Dernière trouvaille des scientifiques : le chaos pourrait venir au secours de la fusion.

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La réaction de fusion : on rapproche deux noyaux (positifs) qui se repoussent. Une énergie initiale est donc nécessaire pour franchir la barrière des forces nucléaires capables de l'emporter sur la répulsion électrostatique.

La réaction de fusion : on rapproche deux noyaux (positifs) qui se repoussent. Une énergie initiale est donc nécessaire pour franchir la barrière des forces nucléaires capables de l'emporter sur la répulsion électrostatique.

Rappelons de façon simple le principe de la fusion thermonucléaire, dont on maîtrise bien les aspects théoriques. Prenez deux éléments légers, comme deux atomes d'hydrogène (H). Faites en sorte, en les rapprochant suffisamment (ce qui demande de consommer une certaine énergie), qu'ils entrent en collision. Ils forment alors un atome d'hélium (He, qui suit immédiatement H dans le tableau périodique). Au passage, la réaction de fusion des deux atomes libère une quantité extraordinaire d'énergie, très supérieure à celle dégagée par l'autre réaction nucléaire de fission bien connue. Plus précisément, la réaction la plus accessible et reproductible, sur laquelle se concentrent les recherches concernant la fusion contrôlée est celle impliquant deux isotopes de l'hydrogène : le deutérium et le tritium.

Ci-dessus, la réaction de fusion la plus accessible et reproductible, qui met en jeu deux isotopes de l'hydrogène :<br />le deutérium et le tritium.

Ci-dessus, la réaction de fusion la plus accessible et reproductible, qui met en jeu deux isotopes de l'hydrogène :
le deutérium et le tritium.

La puissance produite au cours de cette explosion, sorte de moteur qui fait fonctionner le soleil et les étoiles, est en revanche plus difficilement contrôlable. Depuis des décennies, ingénieurs et chercheurs essaient de construire un réacteur thermonucléaire stable et exploitable à grande échelle (ITER en sera le laboratoire en grandeur réelle), mais ne parviennent pas à contrôler de manière optimale la réaction, de façon d'une part à produire plus d'énergie qu'il n'en faut pour déclencher le processus de fusion, et d'autre part à confiner l'énergie calorifique dégagée et risquant... de faire fondre purement et simplement les installations.

Fuites dans le champ magnétique

La solution jusqu'ici préférée des chercheurs : placer le plasma d'hydrogène en fusion (le gaz ionisé très chaud peut monter à plusieurs millions voire 100 millions de degrés Celsius) en suspension dans un champ magnétique. Double mission pour ce champ : maintenir le plasma éloigné des murs d'enceinte du réacteur, et le confiner dans une petite zone afin d'optimiser les processus de collisions.

Mais les pressions exercées sont telles que le risque d'une « explosion » du plasma peut engendrer des dégradations du réacteur. Le Tokamak américain DIII-D de General Atomics à San Diego en Californie appelé National Fusion Facility, a été le siège de nouvelles expériences intéressantes. L'équipe du physicien Todd Evans a eu l'idée en quelque sorte de laisser s'échapper un peu de plasma chaud selon de légères variations provoquées de façon aléatoire dans le champ magnétique par un aimant distinct (1). Ces perturbations, conférant au champ magnétique un comportement localement chaotique, constituent une véritable soupape de sécurité...

Le processus en lui-même reste un mystère, et les chercheurs de Cadarache s'interrogent sur la faisabilité d'une telle technique au sein d'ITER. Mais « c'est vraiment un beau concept » a conclu Todd Evans.

(1) : Evans T. E., et al. Nature Physics, DOI: 10:1038/nphys312 (2006).