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Le supercalculateur du Oak Ridge National Laboratory, le Jaguar. © Oak Ridge
Quelles seraient aujourd'hui les impressions de Marie Curie face aux impressionnants progrès de la physique nucléaire depuis un siècle ? Voilà d'ailleurs cent ans que Rutherford a annoncé la découverte du noyau. La naissance de la mécanique quantique et les travaux de Heisenberg, Fermi, Wigner, Yukawa, Ivanenko, Gamow, Niels BohrNiels Bohr et bien d'autres nous ont permis de comprendre que ce noyau est composé de neutrons et de protons échangeant des mésons et qu'il peut se désintégrer par radioactivitéradioactivité bêtabêta.
Toutefois, encore aujourd'hui, il reste des mystères dans le comportement et la structure des noyaux. Cela est dû au fait que les forces nucléaires fortes entre les nucléonsnucléons sont particulièrement intenses et complexes. De plus, lorsque dans un noyau le nombre de nucléons augmente, on se trouve confronté typiquement à un problème à N corps avec des effets non linéaires, rendant difficile la résolutionrésolution analytique des équationséquations décrivant le comportement des nucléons. On en est réduit à utiliser différents modèles nucléaires qui tous ont leurs limites, que ce soit le modèle de la goutte liquideliquide, du gazgaz de Fermi, en couches, etc.
Aujourd'hui, la puissance des ordinateursordinateurs, comme celle du JaguarJaguar équipant le laboratoire de Oak Ridge, commence à être suffisante pour venir efficacement en aide aux théoriciens. Ainsi, il est devenu possible de comprendre pourquoi le carbone 14 possède une demi-viedemi-vie d'environ 6.000 ans alors que les autres isotopesisotopes de noyaux légers radioactifs se désintègrent avec des demi-vies de l'ordre de la minute ou de la seconde.
La désintégration du carbone 14 est au fondement de la méthode de datation développée par Willard Libby en 1949. Elle lui vaudra le prix Nobel de physique en 1960. Toutefois, selon un autre prix Nobel, Emilio Segrè, elle lui aurait été suggérée par Enrico Fermi à l’occasion d’un séminaire à l’Université de Chicago. On voit sur cette photo Willard Libby dans son laboratoire. © UC Regents
Six mois de travail et 3 mois de calculs
En théorie un gaz de protons et électronsélectrons est complètement décrit par une équation de Schrödingeréquation de Schrödinger contenant des termes d'interaction associés à des paires de particules chargées. Mais, du fait des caractéristiques des forces nucléaires fortes, il n'en est pas de même dans un gaz de nucléons. Il apparaît une nouvelle force lorsque l'on considère trois nucléons, et le comportement de ces derniers n'est pas la seule conséquence des forces nucléaires entre toutes les paires possibles de nucléons.
Les chercheurs ont donc développé un code informatique adapté à la simulation du comportement des nucléons, tenant compte de cette information physique. Il a fallu pour cela faire un calcul sur une matrice, sorte de tableau de nombres, possédant plusieurs milliards de lignes et de colonnes où environ 30.000 milliards d'éléments ne sont pas nuls. Il fallait bien la puissance d'un supercalculateursupercalculateur capable d'effectuer jusqu'à 2,3 millions de milliards d'opérations par seconde pour obtenir un résultat en moins d'une année. De plus, il était aussi nécessaire de décrire le noyau d'azoteazote 14, résultant de la désintégration du carbonecarbone 14, pour obtenir le bon ordre de grandeurordre de grandeur pour la demi-vie de cet isotope du carbone.
On pourra trouver tous les détails du calcul dans un article d'ArxivArxiv donné en lien ci-dessous.