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Un logo de présentation du Human Brain Project. Il est destiné à catalyser des avancées en neuroscience et en informatique. © Human Brain Project
1er avril : cet article appartient bien sûr à la noble tradition du poissonpoisson d'avril, découvrez les dessous de l'actu décortiquée.
L'University of Antarctica (UANT) est une jeune université internationale peu connue, mais déjà prestigieuse. Elle est destinée à être un lieu où l'on peut poursuivre des projets hors du commun pour le bien de l'humanité, mais en dehors de certaines contraintes étatiques et culturelles. Supportée en partie par des fonds privés, elle est néanmoins discrètement administrée par l'Unesco et l'Onu.
On y fait, par exemple, des recherches de pointe en matière de nanotechnologiesnanotechnologies, neurosciences et intelligence artificielleintelligence artificielle dans l'esprit de la Singularity University et du prochain deuxième congrès international Global Future 2045. Celui-ci doit se tenir du 15 au 16 juin 2013 à New York. Il s'agit donc d'un lieu acquis aux thèses du transhumanismetranshumanisme, de plus en plus ouvertement discutées dans le monde, comme en témoigne le recrutement de Ray Kurzweil par GoogleGoogle.
L'inventeur et futuriste Raymond Kurzweil prédit la venue de la singularité technologique. Larry Page, le fondateur de Google, l'a engagé comme directeur de l'ingénierie. © Wikipédia
L'un des projets dont s'occupe actuellement cette université à de quoi couper le souffle, comme va nous l'expliquer l'un des principaux chercheurs impliqués. Il travaille aux frontières de l'informatique et de l'étude du connectomeconnectome. C'est le petit-fils d'Alan Turing, et il a été l'un des collaborateurs de Kenneth Hayworth, qui a récemment défrayé la chronique. Aujourd'hui, avec ses collègues, il explore certaines des conséquences stupéfiantes que devrait avoir le Human Brain Project dans une dizaine d'années. Mais quel est donc ce projet de l'UANT resté jusqu'ici secret ? Voici ce que nous en a dit John Von Turing, qui a bien voulu répondre à nos questions.
Futura-Sciences : En quoi consiste le projet Lazarus ?
John Von Turing : C'est simple. En nous basant sur les travaux de Kenneth Hayworth et ceux en cours du Human Brain Project, nous pensons qu'il devrait être possible non seulement de télécharger la conscience d'une personne sur un support non organique, mais également de faire revenir des morts à la vie, pourvu que l'on dispose d'informations suffisantes sur leur cerveaucerveau et sur leur vie. Pour le prouver, nous prévoyons de ressusciter Albert EinsteinEinstein.
Beaucoup de nos lecteurs vont avoir du mal à vous prendre au sérieux. On dirait de la science-fiction, voire de la pseudoscience.
John Von Turing : Je comprends parfaitement leur réaction. En fait, nous ne sommes vraiment sûrs de rien. C'est tout au plus une bonne hypothèse de travail que nous nous proposons de tester d'ici une bonne dizaine d'années, quand la simulation d'un cerveau humain par les membres du Human Brain Project aura fait ses preuves.
Il se peut d'ailleurs qu'il faille attendre un peu plus longtemps, par exemple 2045, si l'on en croit certaines personnes comme Ray Kurzweil. Tout dépendra des avancées de la puissance de calcul des ordinateursordinateurs, de la complexité réelle du réseau de connexions neuronales et de la nécessité de prendre en compte ou non une grande partie de la structure physicochimique des divers types de neuronesneurones.
Une capture d'écran de la vidéo de présentation du Human Brain Project. Une simulation du cerveau humain devrait être possible à l'horizon 2023. © Human Brain Project
Avoir la puissance pour simuler un système physique comme le cerveau est une chose, mais une simulation n'est tout de même pas identique au système lui-même. Si cela était vrai, on pourrait résoudre le problème de l'énergie dans le monde en construisant un ordinateur suffisamment puissant pour simuler le comportement du Soleil dans tous ses détails jusqu'à l'échelle des noyaux atomiques. Plus besoin d'IterIter ; on pourrait résoudre aussi le problème de la faim dans le monde en simulant des aliments à l'échelle des atomes et des réactions chimiquesréactions chimiques.
John Von Turing : Vous avez raison, mais nous pensons qu'en ce qui concerne la conscience, ce raisonnement ne tient pas. Nous partons de l'hypothèse de l'intelligence artificielle forte qui veut que ce qui compte avant tout, c'est une collection d'algorithmes complexes à la base du fonctionnement du cerveau. Comme l'exécution d'un algorithme ne dépend pas d'un support matériel, vous pouvez faire des multiplications avec un boulier ou des puces électroniques. Nous en déduisons que la connaissance et l'exécution du programme sous-jacent au fonctionnement du cerveau d'une personne sont suffisantes pour générer les expériences conscientes de cette dernière, indépendamment de tout support.
Admettons, mais où se trouve ce programme ?
John Von Turing : Selon Kenneth Hayworth et d'autres chercheurs, il se trouve codé dans le connectome, c'est-à-dire tous les détails du câblage de neurones dans le cerveau. Souvenirs et algorithmes de traitement de l'information à la racine de l'esprit d'une personne se trouveraient uniquement dans ce câblage. Si vous connaissez celui d'une personne morte, vous pouvez la faire revivre en le simulant sur un ordinateur suffisamment puissant.
D'accord, mais dans ce cas, là, comment allez-vous faire pour ressusciter Einstein ? Nous n'avons pas son cerveau sous la main pour le scanner et déterminer son connectome...
John Von Turing : En fait, si ! D'ailleurs, vous en avez une partie qui est accessible sur iPad. Souvenez-vous qu'à la mort du génial découvreur de la théorie de la relativité, son cerveau a été prélevé et partiellement coupé en lames minces qui ont fait l'objet d'études au microscopemicroscope avec des photographiesphotographies.
Une des photographies du cerveau d'Albert Einstein prises par Thomas Harvey en 1955. On voit ici l'hémisphère droit montrant l'insula, après la découpe de l'opercule pariétal. Ces images montrent les différents sillons (s sur les légendes – d'époque – incluses dans l'image). © National Museum of Health and Medicine
Certes, nous avons encore des parties du cerveau d'Einstein, ainsi que de nombreuses photographies de ces lames minces, mais comme Kenneth Hayworth l'a souligné lui-même, il faut connaître vraiment très précisément tout le connectome d'une personne pour pouvoir la ramener à la vie sur ordinateur. Ce n'est clairement pas le cas de celui d'Einstein...
John Von Turing : Ce n'est peut-être pas nécessaire, et c'est justement l'hypothèse centrale que nous voulons tester. Il est de notoriété publique que Ray Kurzweil pense pouvoir un jour faire revivre son père en utilisant son patrimoine génétiquegénétique, les divers souvenirs qu'il a de lui ainsi que ses œuvres.
Je crains de ne pas vous suivre. Pouvez-vous développer ?
John Von Turing : Eh bien, ce serait un peu comme dans le roman Jurassic Park, où l'on fait revivre des dinosauresdinosaures à partir de fragments d'ADNADN conservés, ou encore lorsque l'on restaure des fichiers d'images dégradées. Il doit y avoir des algorithmes généraux et des lois pour la structure de la conscience en commun avec tout cerveau d'Homo sapiensHomo sapiens.
De plus, alors que vous pouvez reconstruire un squelette complet de dinosaure sans avoir toutes ses parties fossilisées à disposition, on devrait pouvoir reconstruire tout le connectome d'une personne même avec des informations incomplètes sur elle.
Il suffirait d'avoir des ordinateurs suffisamment puissants et des techniques de traitement de l'information adéquates. Dans le cas d'Einstein, il y a une abondante documentation, par exemple ses papiers et lettres personnelles. Des fichiers de sa mémoire ont donc été sauvés.
Le président Clinton recevant en 2005 un prix des mains de Martine Rothblatt. © Lifeboat Foundation
Martine Rothblatt l'a bien compris en créant la Lifeboat Foundation. Vous pouvez ainsi tous les jours enregistrer en ligne des souvenirs personnels, des vidéos, des photos, des musiques et des documents vous concernant. Les « lifenauts » peuvent ainsi verser jusqu'à 7 Go dans des « mindfiles ». Si nous avons raison et que le Human Brain Project réussit, l'immortalité numériquenumérique de chacun d'entre nous sera garantie. Nous n'aurons plus à craindre la mort, puisque les ordinateurs de la fin du XXIe siècle devraient pouvoir nous ressusciter sous une forme plus qu'humaine.