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« GirafeGirafe », c'est le nom de code attribué à ce projet un peu fou de cartographie de la pesanteur terrestre en pleine mer (Girafe pour Gravimètre interférométrique de recherche à atomes froids embarquable). La mission utilise un appareil de mesure capable de fournir des valeurs très précises - de l'ordre de 10-8 à 10-9 g en laboratoire - et compatibles avec un fonctionnement en mer. Cet appareil a été imaginé et conçu par le Centre français de la recherche aéronautique, spatiale et de défense (Onera) puis opéré en mer par le Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom).
Rappelons que sur Terre, l'accélération de la pesanteur ou gravité, cette force proportionnelle à la masse notée g, prend la valeur approximative moyenne de 9,8 m.s-2. Toutefois, cette valeur varie :
- en fonction de l'endroit où on se place à la surface du globe du fait, par exemple, d'une répartition variable des masses avoisinantes (montagnes, fosses, etc.) ;
- en fonction du moment de l'année (marées, fonte des glaciersglaciers, etc.).
Des gravimètres à atomes froids
Lancé par l'Agence spatiale européenne en mars 2009, le satellite Goce (Gravity field and steady-state Ocean Circulation Explorer) avait alors fourni la carte la plus précise jamais établie de ces variations de gravité (résolutionrésolution spatiale de 100 kilomètres avec une précision de 1 à 2.10-6 g) à l'échelle du globe terrestre.
Pour mesurer la valeur locale de la pesanteur, les scientifiques ont recours à des gravimètres. Les gravimètres dits à atomes froids, comme celui conçu par l'Onera, reposent sur le principe de l'interférométrieinterférométrie atomique et exploitent les propriétés quantiques de la matièrematière. Des atomes - de rubidiumrubidium dans le cas présent - sont piégés puis refroidis à une température proche du zéro absoluzéro absolu, quelques microkelvins (μK) seulement. Ils sont ensuite relâchés. Pendant leur chute libre, ils sont soumis à une série d'impulsions laserlaser. De quoi les diviser en deux paquetspaquets, d'états quantiques différents, puis les recombiner. On obtient une figure d'interférenceinterférence semblable à celle que produisent les interféromètresinterféromètres optiques. Une figure qui permet de remonter ensuite à la valeur du champ de pesanteur.
Le capteur de Girafe 2 sur sa plateforme gyroscopique, installé au point tranquille du Beautemps-Beaupré, un navire de 80 mètres de long dédié aux campagnes scientifiques du Shom. © Onera
Projet Girafe : un gravimètre en mer
Dès 2012, Girafe avait fourni des résultats remarquables en laboratoire. Ne restait plus qu'à le rendre embarquable, c'est-à-dire capable de fournir les meilleurs résultats possibles, en mer cette fois. Car, bien sûr, les conditions en mer sont toutes différentes et les mesures peuvent facilement être perturbées par la houlehoule et les vibrationsvibrations subies par le bateau.
C'est ainsi qu'une seconde version du gravimètre, Girafe 2, a été embarqué pour une première campagne de mesure sur le bâtiment hydro-océanographique Beautemps-Beaupré en octobre 2015. Placé au point tranquille du navire, à l'endroit qui bouge le moins, et monté sur plateforme gyrostabilisée, l'instrument a permis de réaliser un relevé du champ de pesanteur avec une résolution spatiale de 500 m. La mise en œuvre de filtres destinés à éliminer les divers effets parasitesparasites a été nécessaire. Une deuxième campagne de mesure, menée en janvier 2016, a confirmé l'exactitude des mesures, même par 5 à 6 mètres de houle. Un résultat remarquable !
Pour l'heure, Girafe 2 en reste encore au stade du démonstrateurdémonstrateur et les ingénieurs de l'Onera doivent désormais travailler à la conception d'une version plus maniable et qui puisse équiper différents navires. Ils imaginent déjà en améliorer les performances et utiliser des composants électroniques et optiques miniaturisés pour en réduire l'encombrement. Les applicationsapplications pourraient être nombreuses, de la prospection des sous-sols marins (mineraiminerai, pétrolepétrole, etc.) à la navigation sans GPS.