Il y a tout juste vingt ans, Stanley Pons et Martin Fleishman annonçaient avoir réussi à produire une réaction de fusion thermonucléaire… à température ambiante. La possibilité de réaliser la fusion froide en laboratoire allait depuis lors hanter l’esprit de plusieurs chercheurs. La communauté scientifique ne fut cependant pas convaincue. La situation pourrait changer après une retentissante annonce au congrès de la Société Américaine de Chimie.

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Une image prise au microscope et artificiellement colorée d'impacts de particules dans du CR 39. Crédit : P. Mosier-Boss

Une image prise au microscope et artificiellement colorée d'impacts de particules dans du CR 39. Crédit : P. Mosier-Boss

Les lois de la physique nucléaire sont formelles : pour espérer surmonter la répulsion électrostatique entre deux noyaux d'hydrogène et faire entrer en jeu les forces d'attraction nucléaire à courte portée, il faut des températures de plusieurs millions de degrés. Les seules réactions connues de fusion nucléaire se déroulent dans des étoiles possédant une masse d'au moins 0,07 fois celle du Soleil, lors de l'explosion d'une bombe H ou dans les expériences de fusion contrôlée effectuées dans des tokamaks ou à l'aide de lasers surpuissants.

C'est pourquoi lorsque, le 23 mars 1989, Pons et Fleishman ont annoncé avoir réussi à produire des réactions de fusion avec une simple expérience d'électrolyse, utilisant de l'eau lourde et une électrode en palladium, beaucoup sont restés sceptiques. On le serait à moins... Cela revient à annoncer que l'on a réussi à faire fondre du titane (température de fusion de 1.941 kelvins) en le plaçant dans un congélateur.

Néanmoins, la possibilité de disposer enfin d'une source d'énergie propre, quasi inépuisable et facile à utiliser partout sur la planète ne pouvait pas être ignorée, d'autant que les deux chercheurs disposaient d'une solide réputation dans la communauté scientifique.

Malheureusement, personne n'a vraiment réussi à reproduire les expériences de Pons et Fleishman et toutes les autres tentatives réalisées à l'aide d'expériences similaires n'ont convaincu que leurs auteurs. Il existe en effet un test radical pour démontrer qu'une réaction de fusion s'est bien produite, indépendamment de toute explication possible. C'est la production de neutrons.

Depuis quelques années, la chimiste Pamela Mosier-Boss et ses collègues du U.S. Navy's Space and Naval Warfare Systems Center (Spawar) à San Diego, en Californie, se concentrent sur ce problème.

Des traces indéniables de neutrons

L'idée est d'utiliser un polymère du nom de CR-39. Il s'agit d'un plastique particulièrement résistant utilisé en physique nucléaire pour enregistrer des flux de neutrons qui y laissent des traces caractéristiques.

Pour la présentation de résultats inattendus, Pamela Mosier-Boss a choisi le 273ième congrès de la Société Américaine de Chimie, qui s'est tenu à Salt Lake City (Utah), là même où Fleishman et Pons avaient lancé leur annonce tonitruante il y a vingt ans un même 23 mars. Elle annonce qu'elle et ses collègues ont enfin des preuves convaincantes que les traces observées dans le CR-39 sont bien celles laissées par des neutrons produits par une réaction de fusion froide, dans un dispositif constitué d'électrodes plongées dans une solution de chlorure de palladium PdCl2 dissous dans de l'eau lourde D2O (D étant du deutérium, un isotope de l'hydrogène avec un proton et un neutron).

Il ne s'agirait pas de traces laissées par la radioactivité naturelle omniprésente, sous forme de contamination dans les électrodes en or-nickel par exemple, ni d'autre causes comme des bulles de D2 dégagées au niveau des électrodes.

Le serpent de mer de la fusion froide aurait-il enfin été attrapé ? C'est à voir... surtout si l'on se souvient de ce qu'il est advenu d'une autre annonce, très médiatisée celle-là, au Japon l'année-dernière.