Près de dix années d’observations en rayons X de l’étoile à neutrons à l’intérieur du reste de supernova Cassiopée A confirment ce dont les astrophysiciens nucléaires se doutaient depuis de nombreuses années : la matière peut devenir superfluide dans une étoile à neutrons.

La théorie des étoiles à neutrons a une longue histoire qui commence avec les spéculations de Baade et Zwicky dans les années 1930. Il faudra attendre la fin des années 1960 pour voir ces spéculations confirmées par la découverte des pulsars. Ces astres sont fascinants car l'équivalant d'une masse solaire peut se retrouver dans un objet dont le diamètre est de quelques dizaines de kilomètres tout au plus.

Dans les régions de plus hautes densités, et selon les estimations théoriques, un centimètre cube de matière peut atteindre une masse d'environ un milliard de tonnes. Presque toute la physique, de la relativité générale à la physique du solide, intervient dans la modélisation des propriétés de ces objets qui servent même de laboratoire à la physique nucléaire et à celle des hautes énergies.


Une vue d'artiste de la supernova ayant donné naissance à Cassiopée A. © Esa/Hubble (M. Kornmesser & L. L. Christensen)/SolarParallax, YouTube

Malgré tout, les événements se déroulant à l'intérieur de ces étoiles restent énigmatiques car nous ne pouvons pas nous y rendre et encore moins en extraire des échantillons. Nous n'avons que des mesures indirectes. Toutefois, celles-ci nous permettent d'en déduire certaines informations et, lentement, le mystère s'estompe en ce qui concerne la composition de ces étoiles.

Deux articles récemment publiés par des astrophysiciens sont d'ailleurs une bonne illustration de ce processus. Ils se basent sur pas loin de dix années d'observation dans le domaine des rayons X du reste de supernova Cassiopée A.

Un superfluide trahi par sa vitesse de refroidissement

Il s'agit de la matière éjectée par l'explosion d'une étoile il y a environ trois cent trente ans dans la Voie lactée. On peut aussi observer ces restes dans le domaine optique mais c'est grâce aux rayons X que l'on peut voir qu'il existe bel et bien une étoile à neutrons au centre de Cassiopée A.

Cassiopée A dans le visible. © Nasa/STSc

Cassiopée A dans le visible. © Nasa/STSc

Situé à environ 11.000 années-lumière de la Terre, cet astre a été patiemment étudié depuis dix ans et il a été possible de déduire la température de ses émissions dans le domaine des rayons X. Les chercheurs ont alors pu constater qu'elle avait diminué de 4 % pendant cette période. Une telle observation est une grande chance et une grande opportunité car une étoile à neutrons se refroidit très vite à l'échelle des temps géologiques. Il n'était donc pas évident du tout que nous puissions surprendre cette baisse dans le cas d'une étoile dans notre galaxie et, qui plus est, relativement proche.

Cassiopée A observée dans le domaine des rayons X. © Nasa/CXC/UNAM/Ioffe/D.Page, P.Shternin <em>et al. </em>

Cassiopée A observée dans le domaine des rayons X. © Nasa/CXC/UNAM/Ioffe/D.Page, P.Shternin et al. 

Comme le montre la courbe d'évolution de sa température, cette dernière est très caractéristique d'un modèle dans lequel la matière composant une étoile à neutrons se trouve dans un état superfluide. C'est la première fois que l'on a une preuve aussi forte de l'existence de cette phase dans une telle étoile. Sur Terre, cet état superfluide s'observe à des températures proches du zéro absolu mais les conditions exceptionnelles régnant dans une étoile à neutrons font que la superfluidité peut apparaître même à des températures de l'ordre du milliard de degrés.

Cette observation montre en fait que la température critique pour l'apparition de la phase supraconductrice dans une étoile à neutrons est comprise entre 500 millions et 1 milliard de kelvins, ce qui réduit les incertitudes sur l'équation d'état de la matière nucléaire dans une étoile à neutrons. Cela devrait nous ouvrir aussi des perspectives sur les magnétars.