Dans un milieu magnétique, les skyrmions sont des sortes de tourbillons formés par l'orientation de l'aimantation de paquets d'atomes de petites tailles. Leur exploitation pourrait conduire à une miniaturisation des mémoires magnétiques et à des progrès en spintronique. Pour la première fois, ils viennent d'être étudiés avec des rayons X. Cette performance a été accomplie avec un matériau prometteur, le sélénite de cuivre.

L'un des fronts où s'effectue la conquête du nanomonde est le nanomagnétisme. On a par exemple proposé de guérir certains cancers avec des nanoparticules magnétiques. Le domaine où les progrès ont été les plus significatifs pour notre vie de tous les jours est cependant certainement celui qui se trouve à l'intersection du nanomagnétisme et de la spintronique. C'est le cas, bien sûr, de la magnétorésistance géante qui a permis d'augmenter la capacité des disques durs. Elle a été récompensée par le prix Nobel de physique pour Albert Fert et Peter Grünberg, et le Millennium Technology Prize pour Stuart Parkin.

La révolution de la miniaturisation des mémoires magnétiques n'est pas terminée. C'est en tout cas ce qu'espèrent les physiciens de par le monde qui étudient des sortes de quasiparticules présentes dans les milieux magnétiques, répondant au nom ésotérique de skyrmions Il s'agit d'états collectifs d'un petit nombre d'atomes possédant un moment magnétique dans des réseaux cristallins. Ces atomes se comportent comme des toupies aimantées dont les axes peuvent être orientés. Si l'on représente ces aimants par des flèches, un skyrmion prend alors l'allure d'une sorte de tourbillon. Son sens de rotation peut prendre deux valeurs, et donc servir à enregistrer un bit d'information.

Exemple de skyrmions émergeant dans un réseau d'atomes magnétiques en deux dimensions plongés dans un champ magnétique. Les atomes sont comme des petits aimants dont l'orientation magnétique est donnée par les flèches en bleu et jaune. Des sortes de tourbillons locaux apparaissent, formés par des solitons dits topologiques parce qu'il n'est pas possible de transformer par déformation continue une distribution de flèches en une autre sans tourbillons. De la même manière, une sphère ne peut pas devenir un tore par déformation continue puisque ce dernier possède une discontinuité, un trou. De même, un tore n'est pas topologiquement équivalent à un bretzel puisque lui possède au moins deux trous. © <em>Technische Universitaet Muenchen</em> (TUM)

Exemple de skyrmions émergeant dans un réseau d'atomes magnétiques en deux dimensions plongés dans un champ magnétique. Les atomes sont comme des petits aimants dont l'orientation magnétique est donnée par les flèches en bleu et jaune. Des sortes de tourbillons locaux apparaissent, formés par des solitons dits topologiques parce qu'il n'est pas possible de transformer par déformation continue une distribution de flèches en une autre sans tourbillons. De la même manière, une sphère ne peut pas devenir un tore par déformation continue puisque ce dernier possède une discontinuité, un trou. De même, un tore n'est pas topologiquement équivalent à un bretzel puisque lui possède au moins deux trous. © Technische Universitaet Muenchen (TUM)

Les skyrmions, des tourbillons magnétiques

Comme ces tourbillons sont protégés contre des perturbations par des lois de conservations topologiques, ils sont très stables et se comportent comme des solitons. Ils peuvent se déplacer dans un milieu magnétique comme le feraient des particules alors qu'il s'agit de modifications d'états de magnétisation de groupes d'atomes qui, eux, restent fixes. De nos jours, il faut environ un million d'atomes orientés magnétiquement dans le même sens pour stocker un bit sur un disque dur ou une bande magnétique ordinaire. Mais les skyrmions peuvent se former avec une dizaine d'atomes seulement, ce qui laisse espérer un gain considérable.

Comme l'explique une équipe internationale de physiciens dans un article déposé sur arxiv, on vient d'observer pour la première fois de skyrmions dans un milieu magnétique, plus précisément un sélénite de cuivre (Cu2SeO3), avec des rayons X. Les premiers skymions avaient été mis en évidence avec des faisceaux de neutrons dans du siliciure de manganèse. Dans ce nouveau travail, les chercheurs ont utilisé l'une des lignes de lumière disponibles au synchrotron de l'Advanced Light Source (ALS) à Berkeley, en Californie.

Les skyrmions et les mémoires racetrack

Les skyrmions dans le sélénite de cuivre avaient été étudiés avec des microscopes électroniques ou au moyen de la diffusion de neutrons. Mais ces techniques ne permettaient pas de préciser l'origine du mécanisme générant ces solitons et leurs propriétés, notamment leur façon de se déplacer sous l'action d'un champ électrique au sein de ce matériau, laquelle apparaît prometteuse pour la spintronique. On sait maintenant que le phénomène a à voir avec les orbitales des électrons de l'atome de cuivre.

Les physiciens du solide disposent donc désormais de meilleures informations sur la dynamique des skyrmions dans le sélénite de cuivre, ce qui devrait les aider à mettre au point des mémoires racetrack. Rappelons que ce type de mémoire non volatile est déjà en cours de développement par IBM. On en espère une densité de stockage des informations de 10 à 100 fois supérieure à celle des mémoires Flash.