On sait depuis longtemps que les électrons se déplacent dans les solides comme si leur masse n’était plus identique à celle mesurée dans le vide. On savait aussi qu’ils pouvaient apparaître comme s'ils avaient une masse négative. Mais c’est la première fois que l’on voit ce phénomène survenir sous l’action d’un champ électrique très intense.

au sommaire

  • À lire aussi

Le prix Nobel de physique Félix Bloch. Crédit : Weizmann Institute of Science

Le prix Nobel de physique Félix Bloch. Crédit : Weizmann Institute of Science

Les premiers modèles de conduction des électrons dans les métaux sont presque aussi anciens que la découverte de ces particules puisque c'est en 1900 que Paul Drude a proposé le sien, basé sur une analogie avec la théorie cinétique des gaz. Pourtant, ce modèle ne permet pas vraiment de comprendre la conductivité des métaux, car il fournit des valeurs bien trop faibles. Ce n'est qu'avec la découverte des principes de la mécanique quantique que les physiciens ont commencé à y voir plus clair.

En se basant sur le comportement ondulatoire des électrons, le prix Nobel de physique Felix Bloch, dont le nom a été donné à la chaire de physique qu'occupe actuellement Léonard Susskind, a donné une explication plus satisfaisante.

En effet, les noyaux occupant les sites d'un réseau cristallin simple génèrent un potentiel électrostatique effectif variant périodiquement dans l'espace à l'intérieur du cristal. Que ce soit dans un métal ou dans un semi-conducteur, on peut approximer ce potentiel par une série de créneaux. Il existe alors des solutions de l'équation de Schrödinger contrôlant la propagation des ondes de matière électronique dans ce cristal qui expliquent pourquoi des électrons peuvent s'y déplacer sans être rapidement freinés par des collisions avec les noyaux. Ces solutions décrivent ce que l'on appelle des ondes de Bloch.

Remarquablement, de même que de la lumière ne se déplace pas à la même vitesse dans un milieu d'indice n que dans le vide, tout se passe comme si la masse « effective » des électrons changeait en fonction de la nature du cristal considéré, en raison de l'existence de ces ondes de Bloch. Dans certains cas, elle peut même apparaître comme négative.

Des chercheurs du Max Born Institute viennent de démontrer que c'est bien ce qui se passe lorsque des électrons sont soumis à des champs électriques très intenses, mais brefs, dans un semi-conducteur à l'arséniure de gallium.

Sous l'action d'une impulsion électrique brève de 30x106 V/m, afin de ne pas endommager le matériau, les chercheurs ont d'abord constaté qu'en 100 femtosecondes la vitesse acquise par les électrons dans le semi-conducteur atteignait les 4x106 km/h. Ces particules stoppaient ensuite avant de repartir en arrière, tout comme ils le feraient si leur masse effective devenait négative.

D'après les chercheurs, ce phénomène pourrait ouvrir la porte à de nouvelles réalisations dans le domaine de la micro-électronique.