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Le physicien Yakir Aharonov avec son éternel cigare. Crédit : Hayadan.org
Le champ magnétique généré par une boucle de courant est décrit par les équations de Maxwell, où il est désigné par B. Ces équations montrent qu'il est possible de dériver l'existence de ce champ ainsi que du champ électrique E à partir d'un vecteur A. On peut montrer que, pour un très long solénoïde constitué de boucles de courants empilés, alors que les champs B et A ne sont pas nuls à l'intérieur du solénoïde, le champ B l'est presque juste à l'extérieur de la surface du solénoïde (mais loin de ses extrémités) alors que le champ A ne l'est pas.
Classiquement, un faisceau d'électrons passant à proximité et vers le milieu de ce solénoïde en forme de long tube ne serait donc pas dévié par un champ magnétique. Il ne devrait même subir aucune force causée par le courant électriquecourant électrique circulant dans les boucles du tube. Et pourtant....
Dès la publication par Erwin SchrödingerErwin Schrödinger de son équation pour les ondes de matièrematière en 1926, il était clair que c'était plutôt le champ A et pas le champ B qui intervenait dans cette équation. C'est pourquoi, dès 1949, Werner Ehrenberg et Raymond E. Siday avaient prédit que la phase des ondes associées au faisceau d'électrons de l'expérience précédente avec un solénoïde devait être affectée. Il en résultait que le mouvementmouvement des électrons n'était plus indépendant du champ magnétique.
Personne ne fit attention à cette prédiction pendant 10 ans et ce n'est qu'en 1959 qu'elle fut redécouverte par David Bohm et son étudiant de thèse de l'époque, Yakir Aharonov. Cette fois, la communauté scientifique fut frappée par l'idée, qui illustrait à nouveau l'étrangeté de la mécanique quantiquemécanique quantique et l'effet Aharonov-Bohm (AB) devient rapidement célèbre.
En effet, alors qu'aucune force d'origine électromagnétique ne devait exister dans l'expérience du solénoïde d'après la physiquephysique classique, qui concevait le vecteur A comme un simple outil de calcul, la mécanique quantique forçait à prendre au sérieux l'influence physique réelle de ce vecteur.
L'expérience montra que Ehrenberg, Siday, Bohm et Aharonov avaient raison. Ce dernier reçut d'ailleurs pour cette découverte le prix Wolf 1998, presque l'équivalent du prix Nobel. Rappelons que ce même prix a été attribué au physicienphysicien Alain Aspect en 2010.
La flèche rouge indique la direction d'un champ magnétique par rapport à une nanotube de carbone à une seule paroi. Il en résulte que l'état quantique d'un électron tournant le long du cercle rouge dans la paroi du nanotube en est affectée. Il peut alors se produire des oscillations de Aharonov-Bohm, faisant varier périodiquement la conductance du nanotube de carbone. Crédit : Physicsworld
L'effet AB et les SWNT
En 2004 Junichiro Kono montra en compagnie d'autres chercheurs que l'effet Aharanov-Bohm était susceptible de changer les propriétés électriques de certains nanotubes de carbonenanotubes de carbone. Ces derniers sont des feuillets de graphènegraphène enroulés et ils peuvent exister sous différentes versions. Une grande classe regroupe les nanotube de carbone constitués d'une seule paroi, les SWNT ou Single Wall Nanotubes en anglais.
A l'intérieur de cette classe, la façon dont la feuille de graphène est enroulée donne lieu à différents types de nanotubes. Environ deux tiers des nanotubes de carbone sont des semi-conducteurssemi-conducteurs, les autres étant des conducteurs. On sait que ces objets semblent prometteurs pour la nanoélectronique du futur.
Ce que Kono et ses collègues ont observé est qu'un champ magnétique parallèle à un SWNT semi-conducteur modifie son gap d'énergieénergie. Ce faisant il devient possible de le changer en conducteur et inversement. En fait il existe même alors des oscillations de Aharonov-Bohm affectant la valeur de la résistivitérésistivité du nanotube de carbone, lesquels avaient été observées des années avants. De manière générale, ce phénomène se produit lorsque qu'un électron quantique décrit un cercle dans la paroi d'un conducteur métallique ou semi-conducteur cylindrique dont l'axe est parallèle à un champ magnétique. La phase de l'onde de matière associée à l'électron est modifiée et la résistancerésistance oscille en fonction de la valeur du flux magnétique traversant le cylindre.
Aujourd'hui, Kano et son étudiant de thèse Thomas Searles viennent de montrer que la façon dont les SWNT s'aimantent dans un fort champ magnétique fait également intervenir l'effet AB. Ils ont ainsi étudié différents types de SWNT d'un diamètre de 0,7 à 0,8 nanomètrenanomètre et longs de 500 nanomètres, plongés dans un champ magnétique de 35 teslasteslas généré au Tsukuba Magnet Laboratory du National Institute for Materials Science (NIMS) japonais (à titre de comparaison, les aimantsaimants pour l'imagerie médicale avec IRMIRM n'atteignent que des intensités de 0,5 à 3 teslas). Leurs susceptibilités magnétiques anisotropesanisotropes, c'est-à-dire la façon dont le matériaumatériau s'aimante en intensité et en direction sous l'action d'un champ magnétique, ont été mesurées et les résultats sont en accord avec les prédictions basées sur l'effet AB.