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Faire bouillir de l’eau, c'est extrêmement simple. C'est aussi extraordinairement utile dans de nombreux secteurs de l'industrie. Cela permet en effet de déplacer de la chaleur avec une efficacité certaine. Pourtant, une partie du procédé a toujours échappé au contrôle des ingénieurs. Il repose en effet sur un phénomène : la formation de bulles dans l’eau en ébullition, non maîtrisée jusqu'à la découverte récente d'une équipe de chercheurs américains du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ces derniers ont mis au point un moyen de contrôler la formation de bulles aussi facilement que l'on éteint la lumière en appuyant sur un interrupteur.
Pour mesurer la portée potentielle de cette innovation, prenons un exemple dans l'air du temps : celui de la production d’énergie. Les centrales nucléairescentrales nucléaires, les centrales au charboncharbon ou les centrales au gaz ont pour point commun qu'elles sont toutes des centrales thermiques. Elles produisent une chaleur qui est utilisée pour transformer de l'eau en vapeur, vapeur qui est elle-même ensuite, transformée en électricité. L'eau sert donc de fluide caloporteur qui transporte de l'énergieénergie sous forme de chaleur jusqu'à des turbines qui, une fois misent en rotation par le flux de vapeur, produiront de l'énergie électrique à la manière d'une dynamodynamo.
L'idée des chercheurs du MIT, sur le fond, n'est pas nouvelle. Des systèmes permettant de contrôler l'ébullition de l'eau à l'aide de champs électriqueschamps électriques ont déjà été exploités. Mais les solutions proposées nécessitaient l'emploi de fluides alternatifs à l'eau et le recours à des tensions trop élevées pour en faire des systèmes économiquement viables. C'est donc grâce à une innovation de forme que les chercheurs américains ont obtenu les résultats escomptés. Ils ont enrichi l'eau de tensioactifs porteurs de charges électriques. Ces derniers peuvent donc être attirés et repoussés par une surface métallique à laquelle on appliquerait une tension appropriée. De quoi rendre la surface en question, tour à tour hydrophilehydrophile et hydrophobehydrophobe.
Des chercheurs du MIT sont parvenus à contrôler la formation de bulles dans l’eau bouillante en appliquant des tensions inverses à des sections de surfaces métalliques. Sur cette image, les deux sections aux extrémités sont soumises à une tension qui encourage la formation de bulles et les deux sections centrales, à une tension qui l’inhibe. © Evelyn Wang, Jeremy Cho, Jordan Mizerak, MIT
Dix fois moins de bulles dans l’eau bouillante
La mouillabilitémouillabilité des surfaces revêt ici une importance capitale. Car, comme c'est le cas des gouttes de pluie ou pour les bulles de champagne, dans l'eau bouillante, les bulles ont besoin d'un support pour se former. Et ce support est offert par les irrégularités de la surface métallique. Alors, des scientifiques ont tenté de créer des nanostructures de surface très fines afin de diminuer le phénomène. Une méthode bien plus compliquée à mettre en œuvre que celle imaginée par les équipes du MIT. En appliquant une tension électrique à la surface métallique, ces derniers l'ont tout simplement rendue plus hydrophobe, lui permettant d'adsorber les moléculesmolécules de tensioactifstensioactifs. Ils ont ainsi augmenté, de manière contrôlée, le taux de nucléationnucléation, c'est-à-dire, le taux de création de bulles. Mais, en appliquant ensuite une tension inverse à cette même surface et en exploitant ses minuscules défauts, ils l'ont rendue hydrophile et ils ont pu inhiber la formation de bulles. Selon leurs résultats, le taux de nucléation pourrait ainsi, tout simplement et avec une grande précision, être divisé par dix.
Contrôler le taux de formation des bulles à la demande revient à contrôler la quantité de chaleur transférée entre le liquideliquide et le métalmétal et à améliorer les systèmes industriels qui reposent sur le phénomène. Car les systèmes actuels sont contraints de fonctionner en tenant compte d'une marge de sécurité qui leur permet de garantir l'absence de points chaudspoints chauds dommageables. D'autre part, la possibilité de contrôler dynamiquement les transferts de chaleur pourrait permettre d'accroître l'efficacité des centrales thermiques, en phase de montée et de descente en puissance. De quoi offrir la possibilité d'ajustements de production en temps réel, sans perte d'efficacité et apporter la flexibilité qui fait défaut au réseau électrique actuel.
Un seul souci a été relevé par les équipes du MIT : le conservatisme des opérateurs de centrales électriques. Les chercheurs américains devront donc en passer par un démonstrateurdémonstrateur afin de prouver l'efficacité de leur système à l'échelle industrielle. Mais ils se montrent optimistes : « Je ne pense pas que nous rencontrerons de problème. En théorie, cela devrait se faire facilement », assure Evelyn Wang, professeur du département d'ingénierie mécanique et auteur de l'étude.