Le Spectromètre magnétique Alpha ou Alpha Magnetic Spectrometer (AMS) est sur le chemin des étoiles. A bord de l’ISS, ce détecteur de particules au sein des rayons cosmiques devrait renseigner sur l’antimatière, la matière noire et les minis trous noirs que contient l’Univers.

La surface de la Terre est continuellement bombardée par des rayons cosmiques dont certains atteignent des énergies bien supérieures à celles des collisions de faisceaux de protons du LHC. En entrant dans l'atmosphère, ces rayons produisent d'importantes gerbes de particules secondaires, comme celles que l'on observe avec le détecteur Auger dans la Pampa, en Argentine. Cette composante très énergétique peut recéler des secrets sur de la physique bien au-delà du modèle standard et aussi sur les astres les plus violents du cosmos, comme les quasars et les hypernovae.

Il n'est pas facile de remonter aux caractéristiques exactes des particules à hautes énergies à l'origine de ces gerbes. On ne peut le faire que de façon indirecte, avec tous les risques d'erreurs d'analyse que cela implique. L'atmosphère de la Terre filtre aussi la composition du flot de particules à plus basses énergies venant de l'extérieur du Système solaire. Or ce flot pourrait fournir des éléments de réponses pour bien des énigmes, comme, par exemple, le destin de l'antimatière cosmologique ou encore l'existence de la matière étrange.

Pour analyser plus précisément le flux de rayons cosmiques, la meilleure chose à faire est donc de mettre en orbite un puissant détecteur de particules, comme ceux qui équipent actuellement le Tevatron et le LHC. Ce détecteur existe... Il s'appelle l'Alpha Magnetic Spectrometer (AMS).

Au programme, anti-matière et mini-trous noirs

Assemblé au Cern, cet instrument vient de quitter son lieu de naissance pour rejoindre dans un premier temps le Centre européen de recherche et de technologies spatiales (Estec) de l'Agence spatiale européenne (Esa), aux Pays-Bas. Le déplacement d'un tel instrument n'est pas un simple déménagement.

Equipé d'un aimant supraconducteur refroidi à 2 kelvins par de l'hélium liquide, il a été chargé sur un camion équipé d'un générateur Diesel alimentant une pompe destinée à maintenir l'hélium à la bonne température. Cet aimant est nécessaire pour créer un champ magnétique déviant les trajectoires des particules de rayons cosmiques afin d'en mesurer les caractéristiques. Il nécessite beaucoup d'énergie que seuls peuvent lui fournirles panneaux solaires de la Station spatiale internationale (ISS), comme l'a expliqué le prix Nobel de physique Samuel Ting à Stephen Hawking en visite au Cern (voir le lien vers la vidéo au bas de cet article) .

Avant de s'envoler de Floride au Centre spatial Kennedy à bord de la navette spatiale Discovery, AMS doit passer des tests de résistance au vide spatial dans la chambre d'essais thermiques sous vide de l'Esa à l'Estec. Si tout se passe bien, le lancement aura lieu en juillet.

AMS devrait faire mieux que des satellites comme Pamela et Atic. S'il détecte des atomes d'anti-hélium, cela voudra dire que quelque part dans le rayon de l'Univers observable - qui est de presque 45 milliards d'années-lumière - existent des mondes d'antimatière. S'il ne détecte pas ces anti-noyaux, nous saurons alors qu'il n'y en a pas ou presque pas dans ce volume d'espace-temps. De même, la preuve d'un excès d'anti-noyaux de deutérium pourrait se révéler capitale pour établir l'existence de mini-trous noirs en train de s'évaporer dans la Galaxie.