Une équipe de physiciens est récemment parvenue à accomplir un tour de force étonnant. Alors que les chercheurs avaient déjà réussi à « faire remonter le temps » à toutes sortes d’ondes, cette nouvelle étude s’attaque à un problème autrement plus épineux : la lumière.
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Avant de commencer, clarifions une chose : il ne s'agira pas ici d'embarquer à bord d’une machine Wellsienne afin de remonter le temps au péril de notre vie, mais bien plutôt de retracer le fil d'un événement à partir de son état final. Précisons.
Imaginez que vous fassiez tomber un cadre en forme d'étoile à plat dans une piscine. Au moment du contact entre l'objet et l'eau, une perturbation se crée et l'onde résultante se propage vers l'extérieur du bassin pour rejoindre ses parois, tout comme les vaguesvagues créées par le passage d'un bateau vont battre périodiquement contre la rive. Imaginez maintenant que les bords de la piscine soient capables d'enregistrer ces ondulations puis de les reproduire en sens inverse, de leur faire remonter leur trajectoire jusqu'à leur état initial. C'est exactement ce qu'une équipe de chercheurs est parvenue à réaliser en 2016, et les résultants sont étonnants. Sous l'impulsion des parois mobilesmobiles de la piscine, des ondes prennent forme et se rejoignent au centre de la piscine en recréant le motif qui avait initialement frappé la surface !
Cette expérience menée par Bacot et al. en 2016 montre la manière dont le bassin parvient à reproduire les ondes émises par la chute d'une forme (tour Eiffel) dans l'eau, leur permettant de se refocaliser à leur point initial. © Bacot et al.
Un « miroir temporel »
Ce concept de « miroir temporel » a également été appliqué à des ondes sonores ou électromagnétiques, mais les ondes lumineuses sont pour leur part bien plus ardues à retracer. Si les micro-ondes employées dans d'autres expériences sont suffisamment lentes pour être mesurées et reproduites avec précision, il n'en va pas de même pour la lumière visible, dont la fréquence vibratoire est bien plus élevée, la rendant plus vulnérable aux perturbations. Là où des ondes radio employées par les satellites parviennent sans peine à traverser les nuagesnuages sans altération notable, la lumière, elle, s'éparpille. Impossible d'observer un parfait soleil rond à travers un cumulonimbuscumulonimbus : ses rayons auront été dispersés par les gouttelettes formant le nuage.
C'est pourquoi la nouvelle étude publiée dans la revue Nature Communications est si impressionnante ! « Imaginez que vous envoyiez une courte impulsion de lumière à partir d'un point minuscule, à travers un matériaumatériau diffractant, comme un brouillardbrouillard, explique le physicienphysicien Mickael Mounaix. La lumière part d'un unique point dans l'espace et le temps, mais elle se disperse en traversant le brouillard et arrive de l'autre côté à différents endroits et à différents moments. Nous avons trouvé un moyen de mesurer précisément où toute cette lumière dispersée arrive et à quel moment, puis de créer une version "miroir" de cette lumière, pour la renvoyer à travers le brouillard [dans son état de départ jusqu'à son point initial]. »
À quoi ça sert ?
La démonstration est belle, mais certains ne manqueront pas de rétorquer « D'accord, et alors ? » Et alors, la recherche fondamentale est, d'une part, une étape cruciale de la recherche appliquée. Si l'on n'étudie pas un phénomène en premier lieu, aussi anodin semble-t-il, on a peu de chance de découvrir les étonnantes propriétés ou applicationsapplications qu'il pourrait receler.
D'autre part, le coauteur Nick Fontaine souligne : « Il est très important de pouvoir contrôler l'émissionémission de lumière aussi précisément que possible pour de nombreuses applications, allant de l'imagerie au piégeage d'objets par la lumière, en passant par la création de faisceaux laserlaser très intenses. » Le travail produit par Mounaix et ses collègues offrirait donc d'ores et déjà des voies d'exploration importantes dans de nombreux domaines : microscopie non linéaire, micro-usinage, optique quantique, piégeage optique, nanophotonique, plasmoniqueplasmonique, amplification optique, etc.