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Johannes Rydberg (1854-1919) était à l'origine un mathématicien suédois converti à la physique mathématique. On lui doit la découverte de la célèbre formule de Rydberg (ou de Rydberg-Ritz) utilisée en physique atomique pour déterminer le spectre complet de la lumière émise par l'atome d'hydrogène. © AIP Emilio Segre Visual Archives, W.-F. Meggers
Le monde quantique n'est pas régi par les mêmes lois que le monde classique. Cela pose d'ailleurs de nombreuses énigmes que l'on cherche à résoudre avec la théorie de la décohérence, dont la pertinence a été établie grâce aux expériences de Serge Haroche et ses collègues. En effet, les lois fondamentales du monde sont quantiques, ce qui veut dire que notre monde classique n'est au fond qu'une sorte d'illusion, une approximation certes efficace pour décrire des vaguesvagues sur l'eau ou des exoplanètes en orbite autour de naines rouges mais que l'on aurait tort de prendre comme l'expression correcte ultime de la réalité.
Or, dans le monde quantique, contrairement à notre expérience de la vie de tous les jours, des objets peuvent se trouver simultanément à deux endroits ou dans deux états contradictoires pour un objet classique. Cela conduit au fameux paradoxe du chat de Schrödinger car si le comportement des atomes était reproduit à l'identique à notre échelle, un chat pourrait être à la fois mort ou vivant. C'est l'objet de la théorie de la décohérence d'expliquer pourquoi les objets de la vie quotidienne se présentent à nous comme gouvernés par des lois classiques.
Des physiciensphysiciens du Max Planck Institute of Quantum Optics de la Ludwig-Maximilians-Universität München viennent de publier dans Nature un article portant sur une expérience conduisant à la formation d'un état quantique de la matière qui serait tout aussi paradoxal, à notre échelle et dans les conditions normalesconditions normales, qu'un cristal de carbonecarbone simultanément graphitegraphite et diamantdiamant.
Image d'artiste d'un réseau optique piégeant quelques centaines d'atomes de rubidium. Cinq d'entre eux sont excités de sorte qu'ils deviennent des atomes de Rydberg de diamètre bien supérieur. © 2012, Max Planck Institute of Quantum Optics, Garching
Il ne s'agit pourtant pas d'une opération de magie quantique qui consisterait à fabriquer une superposition quantique de différents états d'un cristal de carbone mais de l'utilisation de faisceaux laserslasers pour créer un réseau optique dans lequel des atomes de rubidiumrubidium piégés sont manipulés pour former un cristal avec une superposition de plusieurs structures cristallines.
Un simulateur quantique pour la physique du solide
Tout commence donc par l'obtention d'un gazgaz d'atomes de rubidium refroidi à très basse température et que l'on piège avec des faisceaux lasers pour former un premier réseau cristallinréseau cristallin. D'autres faisceaux lasers sont utilisés pour exciter ces atomes afin qu'ils deviennent des atomes de Rydbergatomes de Rydberg.
Dans cette configuration, l'électronélectron le plus externe d'un atome est porté à un niveau d'énergieénergie si élevé qu'il se met à tourner autour selon un semblant d'orbite classique. Les atomes expérimentent alors entre eux de nouvelles forces. Pour être plus précis, les atomes de Rydberg obtenus sont 10.000 fois plus grands que les atomes non excités (ce qui représente plusieurs micromètresmicromètres ou encore un centième du diamètre d'un cheveu) et exercent les uns sur les autres des forces de van der Waalsforces de van der Waals particulièrement fortes.
Au final, ces atomes vont avoir tendance à se répartir dans le réseau optique en formant différents états cristallins dépendant de la valeur du nombre quantiquenombre quantique de l'électron périphérique de chaque atome de Rydberg. Mais comme le principe de superposition quantique est toujours à l'œuvre, ces différents types de réseaux sont simultanément réalisés. En effectuant une mesure, un seul des réseaux cristallins est observé en accord avec les prédictions probabilistes faites à partir de simulations numériquessimulations numériques.
Ce type d'expérience est intéressant car elle constitue un laboratoire pour comprendre des cristaux réels décrits par la mécanique quantiquemécanique quantique, comme ceux de certains matériaux magnétiques supraconducteurs. En modifiant certains paramètres on peut en effet simuler en réduction plusieurs de ces matériaux et mieux comprendre comment telle ou telle propriété potentiellement importante pour des réalisations techniques émerge. Une autre motivation provient aussi du fait qu'elle peut servir à explorer la physiquephysique mise en jeu avec les ordinateurs quantiques.