Il est connu pour être résistant, flexible et léger. Désormais, le graphène peut ajouter une nouvelle corde à son arc. Des scientifiques l’ont utilisé pour créer un premier semi-conducteur fonctionnel qui pourrait révolutionner l’électronique et l’informatique.


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    Le silicium, c'est le matériau roi de l'électronique. On en trouve dans tous nos appareils. Mais il atteint peu à peu ses limites. Difficile, en ne comptant que sur lui, de continuer à imager des ordinateursordinateurs toujours plus rapides et des appareils électroniques encore plus petits. Et c'est là que les physiciensphysiciens espéraient depuis longtemps faire entrer en piste celui qu'ils ont pris l'habitude de qualifier de « matériau miracle » : le graphène.

    Rappelons que le graphènegraphène est un matériau à deux dimensions. Comprenez qu'il n'est composé que d'une seule couche d'atomes de carbone fortement liés entre eux, ce qui lui confère un certain nombre de propriétés intéressantes. Il est par exemple extrêmement résistant tout en restant très léger. C'est aussi un bien meilleur conducteur de l’électricité que le cuivre. Problème : le graphène n'a pas de bande interdite, une propriété pourtant cruciale qui permet aux semi-conducteurssemi-conducteurs d'allumer et d'éteindre nos transistors.

    Un semi-conducteur à base de graphène pour une nouvelle électronique

    Et il aura finalement fallu une vingtaine d'années à des chercheurs du Georgia Institute of Technology (États-Unis) pour réussir à produire un semi-conducteur à base de graphène. Qui plus est, entièrement compatible avec les méthodes de traitement microélectronique conventionnelles. Un indispensable pour la potentielle alternative au silicium qu'ils décrivent en détail dans la revue Nature.

    « Le graphène présente des propriétés que nous espérions apporter à l'électronique. Il est robuste, bien plus miniaturisable que le silicium, capable de supporter des courants très importants, et ce, sans chauffer ni s'effondrer. Le graphène nous donne accès à des propriétés des électronsélectrons qui ne sont tout simplement pas accessibles avec le silicium. Nous ne savons pas exactement où cela va nous mener, mais nous savons que nous avons ouvert la porteporte à une façon différente de faire de l'électronique », explique Walter de Heer, physicien à Georgia Tech, dans un communiqué.

    Des physiciens de Georgia Tech ont développé un dispositif au graphène cultivé sur une puce à substrat de carbure de silicium. © Jess Hunt-Ralston, Georgia Tech
    Des physiciens de Georgia Tech ont développé un dispositif au graphène cultivé sur une puce à substrat de carbure de silicium. © Jess Hunt-Ralston, Georgia Tech

    De l’informatique aux ordinateurs quantiques

    Pour en arriver là, les physiciens ont cultivé leur graphène sur des tranches de carbure de siliciumcarbure de silicium à l'aide de fours spéciaux. Ils ont ainsi produit du graphène épitaxial ou épigraphène. Une couche unique de graphène qui se développe sur une face cristallineface cristalline du carbure de silicium. L'équipe a découvert que lorsqu'il est fabriqué correctement, ce graphène épitaxial se lie chimiquement au carbure de silicium - comprenez que le graphène donne des électrons au système - et montre des propriétés semi-conductrices.

    Les résultats obtenus par les physiciens de Georgia Tech sont bien meilleurs que ceux présentés par d'autres équipes qui développent leurs propres semi-conducteurs bidimensionnels. Dans leur semi-conducteur à base de graphène, les électrons ne rencontrent qu'une très faible résistancerésistance. Les chercheurs parlent de mobilité dix fois supérieure à celle du silicium. De quoi envisager des vitessesvitesses de calcul bien plus élevées. Sans création de chaleurchaleur indésirable.

    Les chercheurs révèlent aussi que les charges électriques qu'ils ont observées, comme les photonsphotons dans une fibre optique, peuvent parcourir de grandes distances sans se disperser. En l'occurrence, des dizaines de milliers de nanomètresnanomètres. Dans le nouveau dispositif, les électrons semblent présenter des propriétés ondulatoires de la mécanique quantiquemécanique quantique accessibles dans les appareils, en particulier à très basse température. Ils pourraient ainsi aider à surmonter les nombreux défis liés à la création d'ordinateurs quantiquesordinateurs quantiques.

    Sur ce modèle porté par les physiciens, auteurs de la découverte, les atomes de carbone du graphène apparaissent en noir et ceux du silicium cristallin en jaune. © Jess Hunt-Ralston, Georgia Tech
    Sur ce modèle porté par les physiciens, auteurs de la découverte, les atomes de carbone du graphène apparaissent en noir et ceux du silicium cristallin en jaune. © Jess Hunt-Ralston, Georgia Tech

    Des semi-conducteurs à base de graphène d’ici quelques années

    « Pour moi, c'est comme un moment des frères WrightWright, conclut Walter de Heer.  Ils ont construit un avion capable de voler près de 100 mètres dans les airsairs. Les sceptiques se demandaient pourquoi le monde aurait besoin de voler alors qu'il disposait déjà de trains et de bateaux rapides. Mais ils ont persisté... »

    Voir aussi

    L'ordinateur quantique sauvé par les fermions de Majorana ?

    D'autant qu'à y regarder de plus près, les chercheurs ont observé que les courants ne semblaient pas transportés par des électrons, mais par une quasi-particule très inhabituelle, sans charge ni énergieénergie et qui se déplace sans résistance. Et ils se demandent s'ils ne viennent pas de mettre la main sur l'insaisissable fermion de Majorana, une quasi-particule qui se trouve être sa propre antiparticuleantiparticule et qui a été prédite il y a presque 100 ans maintenant. Nous pourrions donc bien être là face à un véritable changement de paradigme dans le monde de l'électronique. Même s'il va falloir sans doute attendre entre cinq et dix ans avant de voir apparaître sur le marché des premiers appareils à base de graphène.